Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
DES EAUX

les bastimens des arcs triomphans, palais et amphitheatres : et ne faut pourtant penser que nos predecesseurs antiques ne se soyent estudiez et employez à grands despens aussi bien és fontaines que és autres bastiments, et qu’ainsi ne soit, quelqu’vn m’a asseuré auoir veu en Italie des aqueducs contenans cinquante lieuës de long (chose incroyable toutesfois) lesquels ont estez faits pour amener les eaux d’vn lieu à l’autre. Nos antiques montrent par là qu’ils auoient bien conneu que les eaux amenees par les aqueducs venoient plus à leur aise que non pas celles qui viennent encloses dedans des tuyaux. Il est certain qu’à Xaintes (qui est ville antique, en laquelle se trouue encores des vestiges d’vn amphitheatre, et plusieurs antiquitez, pareillement grande quantité de monnoye des Empereurs) il y auoit vn aqueduc duquel les vestiges y sont encores, par lequel ils faisoient venir l’eau de deux grandes lieuës distant de ladite ville, et toutesfois la ruine s’en est ensuiuie en telle sorte qu’à présent il y a bien peu d’hommes qui ayent connoissance des vestiges de l’aqueduc susdit. Voyla pourquoy i’ay dit que combien que les antiques ayent besongné de meilleures estofes que les modernes, et qu’ils ayent moins regardé aux frais, si est ce que l’on ne treuue aucunes fontaines antiques. Ie ne dy pas pourtant que les sources soyent perdues : car l’on sçait bien que la source antique de la ville de Xaintes est encores au lieu d’où elle procedoit : pour laquelle voir, le Chancelier de l’hospital se destourna de son chemin (reuenant du voyage de Bayonne) pour voir l’excellence de ladite source. Il y a encores en certaines vallees entre la ville et la source, quelques arcades sur lesquelles l’on faisoit passer les eaux de ladite source : toutesfois la cause desdites arcades est inconnue au vulgaire. Et si tu veux sçauoir pourquoy ie te mets deuant les yeux ces arcades aux vallees, c’est pour te monstrer l’ignorance des modernes. Car si les antiques eussent amené les tuyaux de leurs cours de fontaines par dessous la terre il eust fallu monter et puis descendre, et encores monter autant de fois qu’il y eust eu de montagnes et vallees, et eust fallu accommoder les tuyaux à toutes ces passions ; et comme ie t’ay dit en plusieurs endroits l’eau qui est ainsi contrainte, ioints les vents subtils entremeslez auec elle, font des efforts tels que nul homme n’a iamais eu la parfaite connoissance de la violence desdites eaux. C’est