Aller au contenu

Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
ET FONTAINES.

vne chose merueilleuse des effects des eaux enserrées ; il y a bien peu d’hommes qui voulussent croire que l’eau qui remplist et occupe vn tuyau de deux poulces de diametre, estant violemment poussée par les vents ou autres eaux elle se resserrera en telle sorte qu’elle passera par vn canal d’vn poulce de diametre : et par ce que les vents, qui sont enclos dedans lesdits tuyaux, ou canaux occupent autant de place que les eaux, les fontainiers sont bien souuent trompez en leurs entreprises : mesmement aux tuyaux enclos souz terre : car quelquefois lesdits tuyaux sont occupez par des racines qui s’engendrent et veiettent dedans, ayants quelque bout racinal entre les ioinctures : autres sont occupez et engorgez par les eaux congelatiues, qui se lapifient au dedans desdits tuyaux. C’est pourquoy les antiques faisoient les aqueducs aërez auec grande despence, afin d’amener les eaux sans violence, et euiter tous ces accidens susdits. Toutesfois ie suis certain que quand les eaux se viennent à congeler soit en cristal ou autrement, elles sont contraintes de se reserrer en leur congelation, et ne se fait nulle congelation sans compression. Le semblable se trouue en la violence du feu, qui se trouuant enclos dedans les montaignes engendre vne vapeur aqueuse et vn vent si impetueux qu’il fait trembler la terre et renuerser les montaignes, et bien souuent les villes et villages, c’est la cause pourquoy les antiques faisoyent venir leurs sources d’eaux par aqueducs, et pour donner pente legitime à leurs eaux ils faisoyent des arcades aux vallees, pour s’accommoder aux montaignes. Je ne demande point de meilleur tesmoignage que le pont du Gua (Gard), qui est en Languedoc, lequel a esté fait expressement pour porter l’aqueduc qui trauersoit la vallee entre deux montaignes, afin d’amener l’eau de dix lieües distant de la ville de Nimes : et ce pour obuier aux compressions et violences que les eaux eussent engendrees si on les eut voulu faire suyure les montaignes et vallees. Ledit pont est vne œuure admirable : car pour venir depuis le bas des montaignes iusques à la sommité d’icelles, il a fallu edifier trois rangs d’arcades l’vne sur l’autre, et sont lesdites arcades d’vne hauteur extraordinaire, et construites de pierres de merueilleuse grandeur. De là nous pouuons tirer que Nimes (ville antique, en laquelle se trouue tesmoignage tant par l’amphitheatre que par autres vestiges) estoit vne ville en la-