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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/199

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ET FONTAINES.

tité de l’vne de ces quatre matieres (que i’ay nommees cy deuant) allumee, et estant allumee qu’elle aye trouué en sa voye quelques receptacles d’eaux dedans les rochers, et que le feu soit si grand qu’il aye puissance de faire bouillir les eaux encloses dedans les rochers, et alors par le feu, les eaux et l’aër enclos, s’engendrera vne vapeur qui viendra souleuer par sa puissance les rochers, terres et maisons qui seront au dessus. Et d’autant que la violence du feu, de l’eau et de l’aër, ne pourra ietter d’vn costé ny d’autre vne si grande masse, elle la fera trembler, et en tremblant il se fera quelques subtiles ouuertures qui donneront quelque peu d’aër au feu, à l’eau et aux vents, et par tel moyen la violence qui autrement eut tout renuersé est pacifiée ; que si les trois matieres qui font trembler, ne prenoyent quelque peu d’aër en faisant leur action, il n’y a si puissante montaigne qui ne fut soudain renuersee, comme il est aduenu en plusieurs lieux, que plusieurs montaignes ont esté conuerties en vallees, par tremblements de terre, et plusieurs vallees en montaignes par vne mesme action. Et lors que lesdits tremblements ont ietté bas villes, chasteaux et montaignes, ç’a esté lors que les trois matieres susdites estant en leur grand combat ne pouuoyent auoir aucune haleine. Or il falloit necessairement, ou que les choses qui estoyent dessus ces trois elements vainquissent, et qu’elles estoufassent lesdits elements, ou bien que les elements ioints ensemble en leur superbe grandeur vainquissent, se donnant ouuerture pour viure. Veux tu que ie te die le liure des Philosophes, où i’ay appris ces beaux secrets ? ce n’a esté qu’vn chauderon à demy plein d’eau, lequel en bouillant quand l’eau estoit vn peu asprement poussee par la chaleur du cul du chauderon, elle se sousleuoit iusques par dessus ledit chauderon : et cela ne se pouuoit faire qu’il n’y eust quelque vent engendré dedans l’eau par la vertu du feu : d’autant que le chauderon n’estoit qu’à demy plein d’eau quand elle estoit froide, et estoit plein quand elle estoit chaude[1]. Les fourneaux ausquels ie cuis ma besongne, m’ont donné beaucoup à

  1. On voit par ce passage remarquable combien Palissy, en observant tous ces faits, se trouvait près de la théorie de l’ébullition, de l’augmentation du volume des liquides par la chaleur, de la dilatation des gaz par la température, et enfin de la puissance de la vapeur.