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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/200

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DES EAUX

connoistre la violence du feu : mais entre les autres choses qui m’ont fait connoistre la force des elements, qui engendrent les tremblements de terre, i’ay consideré vne pomme d’airain qu’il n’y aura qu’vn petit d’eau dedans, et estant eschauffee sur les charbons, elle poussera vn vent tres-vehement[1], qu’elle fera brusler le bois au feu, ores qu’il ne fut coupé que du iour mesme[2].

Theorique.

Tu es pris à ce coup par tes mesmes paroles : car tu as dit cy dessus que les eaux et l’aër poussez et courroucez par la violence du feu, qui est leur contraire, ne pouuoyent subsister ensemble, qui causoit les tremblements de terre, et renuersements des villes et chasteaux, comme feroyent plusieurs caques de poudre à canon emflambez. Et à present ie prouue le contraire, par le recueil de tes paroles. Car tu dis que les eaux chaudes (desquelles on fait les bains, tant à Aignes-caudes (Chaudes-aigues), Cauterets, Bauieres, qu’à Aix en Alemagne, Sauoye et Prouence, et autres lieux) sont eschauffees par le feu qui est continuel sous la terre, ou par le souphre, le charbon et mottes de terre, ou par le bitumen. Et ce neantmoins ie sçay bien qu’il y a long temps que lesdites fontaines chaudes ont duré, et durent encores en mesme estat, voire si long temps que la memoire en est perdue. Et si ainsi estoit que tu dis, le feu, l’aër et l’eau n’eussent ils pas long temps y a ruyné et despecé et fait sauter à dextre et à senestre les canaux et voutes, par lesquelles lesdites eaux passent ? ou pour le moins elles engendreroyent (selon que tu dis) vn continuel tremblement de terre.

Practique.

Tu as fort mal entendu mes propos : car quand ie t’ay parlé des tremblements de terre, ie t’ay dit qu’en tremblant par la

  1. Palissy avait probablement appris ce phénomène dans Vitruve. « La force du soufle (de l’air), dit celui-ci, est en raison de la chaleur. C’est ce que nous apprend l’expérience des éolipyles : boules d’airain, ayant un très-petit orifice par lequel on les remplit d’eau. On place ces éolipyles, pleins d’eau, auprès du feu ; tant qu’ils ne sont pas chauds on n’observe rien, mais dès qu’ils commencent à s’échauffer ils émettent un souffle véhément. » (Vitruv. archit., I, 6.)
  2. Dans le siècle suivant, R. Boyle mit à profit cette remarque de Palissy pour activer la combustion du charbon.