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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/207

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ET FONTAINES.

canal, elle trouue la porte fermee, et ne trouuant seruiteur plus propre qu’elle mesme, elle ouure la porte et fait moudre le moulin pour sa bien venuë. Et quand elle s’en veut retourner, comme vne bonne seruante elle mesme ferme la porte du canal, afin de le laisser plein d’eau, laquelle eau l’on fait passer apres par vn destroit : afin qu’elle face tousiours moudre le moulin. Et s’il estoit ainsi que tu dis, suyuant l’opinion des Philosophes, que les sources des fontaines vinssent de la mer, il faudroit necessairement que les eaux fussent salees, comme celles de la mer, et qui plus est, il faudroit que la mer fust plus haute que non pas les plus hautes montaignes, ce qui n’est pas.

Item, tout ainsi que l’eau qui est entree au dedans des canaux, et fait moudre les moulins, et qui amené les bateaux en plusieurs et diuers canaux, pour charger le sel, bois et autres choses limitrofes de la mer, est suiette à suivre la grande armée de mer, qui est venue escarmoucher la terre. En cas pareil ie di qu’il faudroit que les fontaines, fleuues et ruisseaux, s’en retournassent auec elle : et faudroit aussi qu’ils fussent taris pendant l’absence de la mer, tout ainsi que les canaux sont emplis par la venuë de la mer, et tarissent en son absence. Regarde à present si tes beaux Philosophes ont quelque raison suffisante pour conuaincre la mienne. C’est chose bien certaine que quand la mer s’en est allée, elle descouure en plusieurs lieux plus de deux grands lieuës de sable, où l’on peut marcher à sec, et faut croire que quand elle s’en retourne, les poissons s’enfuyent auec elle. Il y a quelque genre de poissons portant quilles, comme les moulles, sourdons, petoncles, auaillons, huitres et plusieurs especes de burgaus, lesquels sont faits en forme de limace, qui ne daignent suiure la mer, mais se fiant en leurs armures, ceux qui n’ont qu’vne coquille s’attachent contre les rochers, et les autres qui en ont deux demeurent sur le sable. Aucuns genres d’iceux, lesquels sont formez comme vn manche de couteau ayant enuiron demy pied de long, se tiennent cachez dedans le sable bien auant, et alors les pescheurs les vont querir. C’est vne chose admirable que les huitres estant apportees à dix ou douze lieuës de la mer, elles sentent l’heure qu’elle reuient, et approchent des lieux où elles faisoient leurs demeurances, et d’elles mesmes s’ouurent, pour recevoir aliment de la mer, comme si elles y estoyent encores. Et à cause