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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/206

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DES EAUX

de Philosophes, qui disent que toutes les eaux viennent de la mer, et qu’elles y retournent ? Il n’y a pas iusques aux vieilles qui ne tiennent vn tel langage, et de tout temps nous l’auons tous creu. C’est à toy vne grande outrecuidance de nous vouloir faire croire vne doctrine toute nouuelle, comme si tu estais le plus habile Philosophe.

Practique.

Si ie n’estois bien asseuré en mon opinion, tu me ferois grand honte : mais ie ne m’estonne pas pour tes iniures ny pour ton beau langage : car ie suis tout certain que ie le gaigneray contre toy et contre tous ceux qui sont de ton opinion, fut ce Aristote et tous les plus excellents Philosophes qui furent iamais : car ie suis tout asseuré que mon opinion est veritable.

Theorique.

Venons donques à la preuue : baille moi quelques raisons par lesquelles ie puisse connoistre qu’il y a quelque apparence de verité en ton opinion.

Practique.

Ma raison est telle, c’est que Dieu a constitué les limites de la mer, lesquelles elle ne passera point : ainsi qu’il est escrit és Prophetes. Nous voyons par les effects cela estre veritable, car combien que la mer en plusieurs lieux soit plus haute que la terre, toutesfois elle tient quelque hauteur au milieu : mais aux extremitez elle tient vne mesure, par le commandement de Dieu, afin qu’elle ne vienne submerger la terre. Nous auons de fort bons tesmoings de ces choses, et entre les œuures de Dieu, ceste la est grandement merueilleuse, car si tu auois pris garde aux terribles effects de la mer, tu dirois qu’il semble qu’elle vienne de vingtquatre heures en vingtquatre heures, deux fois combatre la terre, pour la vouloir perdre et submerger. Et semble sa venue à vne grande armee qui viendroit contre la terre, pour la combatre : et la pointe, comme la pointe d’vne bataille, vient hurter impetueusement contre les rochers et limites de la terre, menant vn bruit si furieux qu’il semble qu’elle veuille tout destruire. Et pource qu’il y a certains canaux sur les limites de la mer és terres circonuoisines, aucuns ont edifié des moulins sur lesdits canaux, ausquels l’on a fait plusieurs portes pour laisser entrer l’eau dedans le canal, à la venue de la mer : afin qu’en venant elle face moudre lesdits moulins, et quand elle vient pour entrer dedans le