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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/216

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DES EAUX

lesdits trous, iceluy y fera obstacle à l’eau s’il ne trouue quelque subtile aspiration, pour luy ceder place : et si cela se fait en vne fiole de verre tant soit elle petite ou grande, combien cuides tu que cela se peut faire plus asseurement en vn canal d’eau qui iroit depuis la mer iusques aux montagnes d’Auuergne ? si tu dis que entre les montaignes et la mer il y peut avoir quelques subtiles aspirations par lesquelles l’aër s’en pourra fuir au deuant de l’eau, ie respons que si l’aër y passe, l’eau passera aussi : et est certain que l’eau de la mer vient d’vne telle vitesse, que quand il y auroit vn canal bien clos depuis la mer iusques aux montagnes, et qu’elle fut aussi haute que les montaignes, si est ce que l’eau ne pourroit venir iusques ausdites montaignes, qu’elle ne fit creuer le canal, à cause de la grande distance et de l’aër enclos auec elle. Et comme i’ay dit vne autrefois, si cela se pouuoit faire, les riuieres, fontaines et sources des montaignes, tariroyent quand la mer s’en seroit allee, qui est vne regle aussi certaine que celle que i’ay dit cy dessus, asçauoir que si les fontaines et riuieres venoyent de la mer, les eaux seroyent salees. I’ay encores vne exemple singuliere, et pour la derniere de ce propos, qui est qu’aux pays et isles de Xaintonge limitrophes de la mer, il y a en plusieurs bourgs et villages, des puits doux et des puits salez, l’on peut connoistre clairement par là que les puits dont les eaux sont salees, sont abreuuez de l’eau de la mer, et les puits d’eau douce, qui sont pres des salees, et aussi pres de la mer, sont abreuuez des esgouts des pluyes qui viennent de la partie contraire de la mer. Et qui plus est, et bien à noter, il y a plusieurs petites isles, enuironnees et entourees d’eau de la mer, mesme quelques vnes qui ne contiennent pas un arpent de terre ferme, esquelles il y a des puits d’eau douce ; ce qui donne clairement à connoistre que lesdites eaux douces ne prouiennent ny de source ny de la mer : ains des esgouts des pluyes, trauersant les terres iusques à ce qu’elles ayent trouué fond, ainsi que ie t’ay desia dit. Apres que i’eus conneu sans nulle doute que les eaux des fontaines naturelles estoyent causees et engendrees par les pluyes, i’ay pensé que c’estoit vne grande ignorance à ceux qui possedent heritages steriles d’eaux, qu’ils n’auisoyent les moyens de faire des fontaines : veu et entendu que Dieu enuoye des eaux autant bien