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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/262

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DES METAVX

auoit laissé tomber de la cire fondue petit à petit pour la faire congeler.

Theorique.

I’ay bien entendu tes raisons. Mais ne seroit ce pas vn grand bien en France, s’il y auoit cinq ou six hommes qui fussent paruenuz à leur fin, touchant la pierre des anciens Philosophes ? Car i’ay entendu par le dire de plusieurs alchimistes que s’ils y estoyent paruenuz, ils feroyent assez d’or, pour faire la guerre contre tous aduersaires, et mesme contre le Turc.

Practique.

Entre tous les propos que tu as dit par cy deuant, il n’y en a pas vn si esloigné de sapience que celuy que tu viens de dire : Mais ie di au contraire qu’il vaudroit mieux vne peste, vne guerre, et vne famine en France, que non pas six hommes qui sçeussent faire l’or en si grande abondance que tu dis. Car apres que l’on seroit asseuré que la chose se pourroit faire, tout le monde mespriseroit le cultiuement de la terre, et s’estudieroit à chercher de faire de l’or, et par ce moyen la terre demeureroit en friche, et toutes les forests de la France ne sçauroyent fournir de charbon tous les alchimistes l’espace de six ans. Ceux qui ont veu les histoires disent qu’vn Roy ayant trouué quelques mines d’or en son Royaume, employa la plus grande partie de ses suiets pour tirer et affiner laditte mine, qui causa que les terres demeuroyent en frische, et la famine commença audit Royaume. Mais la Royne (comme prudente et esmeüe de charité enuers ses suiets) fist faire secretement des chapons, poulets, pigeons, et autres viandes de pur or, et quand le Roy voulust disner, elle le fist seruir desdittes viandes, dont il fust ioyeux, n’entendant pas à quoy la Royne tendoit : mais voyant qu’on ne luy apportoit point d’autres viandes, commença à se fascher, quoy voyant la Royne le supplia de considerer que l’or n’estoit pas nourriture, et qu’il valoit mieux employer ses suiets à cultiver la terre que non pas à chercher les mines d’or. Si tu ne te veux arrester à vn si bel exemple, entre en toy mesmes, et t’asseure que s’il y auoit six hommes en France, comme tu dis, qui sçeussent faire l’or, ils en feroyent si grande quantité que le moindre d’eux se voudroit faire monarque, et ils se feroyent la guerre entr’eux,