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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/276

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DE L’OR POTABLE.

Car peut estre qu’apres qu’il a eu trouué quelque rare medecine, par le moyen des metaux imparfaits, marcassites, ou autres simples, il fait accroire que c’est or potable, pour la faire trouuer meilleure, et s’en faire mieux payer. C’est la moindre finesse de quoy il se pourroit aduiser : I’en ay bien veu de plus fines en vne petite ville de Poitou, où il y auoit vn medecin aussi peu sçauant qu’il y en eut en tout le pays, et toutesfois par vne seule finesse il se faisoit quasi adorer[1]. Il auoit vne estude secrete bien pres de la porte de sa maison, et par vn petit trou voyoit venir ceux qui luy apportoyent des vrines, et estants entrez en la court, sa femme bien instruite se venoit assoir sur vn bois, pres de l’estude où il y auoit vne fenestre fermée de châssis, et interrogeoit le porteur d’vrines d’où il estoit, et que son mari estoit en la ville, mais qu’il viendroit bien tost, et les faisant assoir aupres d’elle les interrogeoit du iour que la maladie print au malade, et en quelle partie du corps estoit son mal, et consequemment de tous les effects et signes de la maladie ; et pendant que le messager respondoit aux interrogations, Monsieur le Medecin escoutoit tout, et puis sortoit par vne porte de derriere, et rentroit par la porte de deuant, par où le messager le voyoit venir, lors la dame luy disoit : voyla mon mari, parlez à luy. Ledit porteur n’auoit pas si tost présenté l’vrine, que Monsieur le Medecin ne la regardast auec fort belle contenance, et apres il faisoit vn discours de la maladie, suyuant ce qu’il auoit entendu du messager par son estude : Et quand ledit messager estoit retourné au logis du malade, il contoit comme par vn grand miracle le grand sçauoir de ce Medecin, qui auoit conneu toute la maladie soudain qu’il auoit veu l’vrine, et par ce moyen le bruit de ce Medecin augmentoit de iour à autre. Voyla pourquoy ie t’ay dit que peut estre Para-

  1. Gobet pense que Palissy a voulu désigner Sébastien Colin, médecin de Fontenay-le-Comte, en Poitou, auteur du livre intitulé : Déclaration des abus et tromperies que font les apothicaires. Tours (Poitiers), 1553, plusieurs fois réimprimé sous le pseudonyme de Lisset Benancio, anagramme de son nom. C’est à cet ouvrage de S. Colin que répondait l’opuscule ayant pour titre : Déclaration des abus et ignorance des médecins, Lyon, 1557, que le même éditeur s’efforce d’attribuer à Palissy, et sur l’origine duquel nous exprimons ailleurs nos doutes. S. Colin, outre quelques traductions, avait publié un livre intitulé : Bref dialogue contenant les causes, jugemens, couleurs et hypostases des urines, etc. Poitiers, 1558, in-8o.