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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/305

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DV SEL COMMVN.

haute et enflée qu’en nulle saison, et lors qu’elle est en sa pleine grandeur, les sauniers desbondent les conduits des canaux et grandes tranchées, pour emplir ce grand receptacle qu’ils appellent iard, lequel faut qu’il contienne autant d’eau qu’il en fait besoing, pour faire le sel iusques à la pleine lune du mois de Iuillet, auquel temps la mer se remet en sa grandeur et hautesse comme celle de Mars, et alors vn chascun saunier se trauaille à remplir le iard : toutesfois quelque labeur et diligence que nos predecesseurs sauniers ayent sçeu faire, si est ce que quand vn esté est fort sec, il y a plusieurs marez qui ne font rien vne partie de l’esté : Car l’eau du iard estant faillie deuant le temps, ils n’ont aucun moyen d’en remettre d’autre, si ce n’est au temps des grandes malignes (qu’ils appellent) qui est lors que la mer est en sa superbe grandeur. Voila pourquoy les marez qui sont pres du port, et qui peuuent auoir de l’eau au plein de toutes les lunes sont beaucoup plus estimez que les autres.

Il faut aussi noter vn poinct qui est, que si durant que l’on fait le sel il aduenoit vne pluye l’espace d’vne nuict ou d’vn iour, mesmes seulement deux heures, l’on ne sçauroit faire de sel de quinze iours aprez : par ce qu’ils faudroit nettoyer tous les marez et oster l’eau d’iceux, aussi bien la salée que la douce, tellement que s’il pleuuoit tous les quinze iours vne fois, l’on ne feroit iamais de sel à la chaleur du Soleil : parquoy faut croire qu’aux regions et contrees pluuieuses et froides, l’on n’y sçauroit faire de sel à la maniere qu’il se fait és isles de Xaintonge, encores qu’ils eussent toutes les autres commoditez cy dessus alleguees.

Il est encores besoing d’entendre qu’auparauant que faire le sel il faut espuiser toute l’eau qui est dans les marez, laquelle y auoit esté mise pour les conseruer en hyuer : ce qui n’est pas vn petit labeur ; et ayant nettoyé tous lesdits marez communement au mois de May, quand le temps vient à s’eschauffer, ils lachent les bondes pour laisser passer telle quantité d’eau qu’ils veulent, laquelle ils font coucher dedans les conches, entablements, moyens et viresons, afin qu’elle se commence à eschaufer, et estant eschaufée, ils la mettent à sobrieté dedans les aires où l’on fait cresmer le sel. Et pour mieux te monstrer encores la despense desdits marez, il faut entendre qu’en chascun champ de marez il y a deux escluses