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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/323

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DES PIERRES.

de mon temps qu’ils n’eussent voulu manger les pieds, la teste, ny le ventre d’un mouton, et à présent c’est ce qu’ils estiment le meilleur. Parquoy ie maintiens que les poissons armez, et lesquels sont petrifiez en plusieurs carrieres, ont esté engendrez sur le lieu mesme, pendant que les rochers n’estoyent que de l’eau et de la vase, lesquels depuis ont esté petrifiez auec lesdits poissons, comme tu entendras plus amplement cy apres, en parlant des rochers des Ardennes[1].

Theorique.

Par ce propos tu n’as rien fait contre l’opinion de Cardan : car tu n’as pas dit la cause de la petrification des coquilles.

Practique.

Aucunes ont esté iettées en la terre, apres auoir mangé le poisson, et estant en terre, par leur vertu salsitiue ont fait atraction d’vn sel generatif, qui estant ioinct auec celuy de la coquille en quelque lieu aqueux ou humide, l’affinité desdites matieres estants iointes à ce corps mixte ont endurcy et petrifié la masse principalle. Voila la raison, et ne faut pas que tu en cherches d’autres. Et quant est des pierres où il y a plusieurs especes de coquilles, ou bien qu’en vne mesme pierre il y en a grande quantité, d’vn mesme genre, comme celles du fauxbourg sainct Marceau lés Paris, elles là sont formées en la maniere qui s’ensuit, sçauoir est, qu’il y auoit quelque grand receptacle d’eau, auquel estoit vn nombre infini de poissons armez de coquilles, faites en limace piramidale[2]. Et lesdits poissons ont esté engendrez dans les eaux dudit receptacle, par vne lente chaleur, soit qu’elle soit prouenue par le soleil au descouuert, ou bien par vne lente chaleur qui se trouue soubs la terre, comme i’ay apperceu estant dans lesdites carrieres. Ie mets ceste difficulté en auant, par ce qu’il y a vne veine de pierre esdites carrieres, laquelle n’est que cinq ou six pieds de profond au dessous de la terre, laquelle veine contient autant que toutes les terres de ceste contrée là, et icelle n’a gueres qu’vn pied et demy d’espoisseur, mais elle

  1. C’est là l’opinion contre laquelle on s’éleva avec tant de légèreté au dix-septième et au dix-huitième siècle ; mais que la science a fini par adopter, comme la plus rationnelle et la mieux fondée. Cuvier va jusqu’à regarder ce seul résultat des recherches et des vues ingénieuses de Palissy, comme le premier fondement de la géologie moderne.
  2. Ce sont des bélemnites ou pierres de Lynx.