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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/322

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DES PIERRES.

ply, et que dans la terre ou és riuieres il n’y en peut auoir qu’en certains lieux bien rarement.

Practique.

Tu t’abuses de penser que par toutes les parties de la mer, il y ait des poissons portans coquilles : car tout ainsi que la terre produit des plantes qui ne sçauroient venir en vn pays comme en l’autre, ainsi que les orangers, figuiers, palmiers, amandiers, et grenadiers, ne peuuent venir en tous pays : aussi en la mer, il y a certaines contrées où l’on pesche des maqueraux, autres contrées où l’on peche des harans, autres contrées des seiches, autres des maigres, et mesmes nous sommes contrains aller querir des moluës (morues) és terres neuues. Tous poissons portants coquilles se tiennent pres des limites de la terre, et viennent en partie des matieres salsitiues, qui sont amenées des bords de la terre prochaine de la mer. Et encores ne faut penser trouuer desdits poissons par tous les endroits des bordures de la mer. Il faut donc conclure qu’il y a quelques endroits où les semences des poissons peuuent prendre nourriture, et autres non. Tout ainsi comme des vegetatifs. Ie n’entends pas dire qu’il y a à présent aussi grand nombre de poissons armez en la terre comme il y eut autre fois. Car pour le certain les bestes et poissons qui sont bons à manger, les hommes les poursuyuent de si pres qu’en fin ils en font perdre la semence. I’ay veu plusieurs ruisseaux où l’on prenoit grand nombre de lamproyons, qu’à present l’on n’y en trouue plus. I’ay veu aussi autres ruisseaux où l’on prenoit des escreuisses par milliers, là où l’on n’en trouue plus. I’ay veu des rivieres où l’on prenoit du saumon, et à present ne s’y en trouue plus. Et que la terre ou riuieres d’icelle ne produisent aussi bien des poissons armez comme la mer, ie le prouue par des coquilles petrifiées, lesquelles on trouue en plusieurs endroits par milliers et millions, desquelles i’ay vn grand nombre qui sont petrifiées, dont la semence en est perdue, pour les auoir trop poursuyuis. Et est vne chose qui se void tous les iours, que les hommes mangent des viandes desquelles anciennement l’on n’en eust mangé pour rien du monde. Et de mon temps i’ay veu qu’il se fut trouué bien peu d’hommes qui eussent voulu manger ny tortues ny grenouïlles, et à présent ils mangent toutes choses qu’ils n’auoyent accoustumé de manger. I’ay veu aussi