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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/327

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DES PIERRES.

eaux glacées, qui coulent du haut des montagnes en bas. Il faut donc conclure que auparauant que cesdites coquilles fussent petrifiées, les poissons qui les ont formées estoyent viuans dedans l’eau qui reposoit dans les receptacles desdites montagnes, et que depuis l’eau et les poissons se sont petrifiez en vn mesme temps, et de ce ne faut douter. És montagnes desdites Ardennes se trouue par milliers des moules petrifiées, toutes semblables à celles qui sont viuantes dans la riuiere de Meuse, qui passe pres desdites montagnes. I’ay contemplé autrefois les habitations des huistres de la mer Oceane : mais ie ne vis onques les huistres naturelles ne leurs coquilles en plus grande quantité qu’il s’en trouue en plusieurs des rochers d’Ardenne : lesquelles combien qu’elles soyent petrifiées, si est-ce qu’elles ont esté animées, et cela nous doit faire croire qu’en plusieurs contrées de la terre les eaux sont salées, non si fort comme celles de la mer : mais elles le sont assez pour produire de toutes espèces de poissons armez. Et faut croire ce que i’ay dit cy deuant, que tout ainsi comme la terre produit des arbres et des plantes, d’vne espece en vne contrée, et en l’autre contrée elle en produit d’vne autre espece : et comme aucuns champs produisent de la feuchere, et autres des yebles, et autres chardons et espines : aussi la mer produit des genres de poissons en vn endroit qui ne pourroyent viure en l’autre. Il est certain que les huistres, les moules, auaillons, petoncles et sourdons et toutes especes de burgaulx, qui ont leurs coquilles en façon de limace, toutes ces especes, dy-ie, se tiennent és rochers limitrophes de la mer, ce que les autres especes de poissons ne font pas. Ceux qui vont pescher les moules à trois ou quatre cents lieuës me seront tesmoings de ce que i’ay dit. Et comme les orangers, figuiers, oliuiers et espiceries ne pourroyent viure és pays froids, en cas pareil les poissons ne viuent sinon és lieux là où il a pleu à Dieu de ietter la semence de leur generation et nourriture, comme ainsi soit que i’ay dit cy deuant qu’il a fait des semences des metaux et de tous mineraux, et des vegetatifs. Iusques icy ie n’ay parlé que des coquilles petrifiées, et ainsi que ie cherchois et m’enquerois de toutes parts des lieux où i’en pourrois recouurer pour le tesmoignage de mes conclusions, il me fut dit qu’au pays de Valois, pres d’un lieu nommé Venteul, il