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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/385

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DE LA MARNE.

Theorique.

Ie te prie me faire ce bien de m’apprendre le moyen de connoistre la marne que tu dis : car si ie sçauoy le moyen de la connoistre ie ne faudroy de m’employer de toutes mes forces, iusques à tant que ie sçeusse s’il seroit possible d’en pouuoir trouuer en mon heritage.

Practique.

Ie ne cuide pas que ceux qui premierement ont meilleuré les terres par la marne, qu’ils l’ayent fait par vne theorique imaginatiue : mais i’ay bien pensé que ceux qui ont trouué premierement l’inuention, l’ont trouuée sans la chercher, comme plusieurs autres sçiences se sont offertes d’elles mesmes, comme tu peux penser que la moullerie peut auoir esté inuentée par les pas d’vn homme qui marcha les pieds nuz sur vn sable fin, ou sur de la terre d’argile, en laquelle terre ou sable l’on verra euidamment la forme touchée, rides, flaches, bosses et concauités de la forme de tout le pied : cela, di-ie est suffisant pour auoir premierement inuenté la moullerie et l’imprimerie, suyuant quoy, il est aisé à croire que quand la marne a esté premierement connue, ç’a esté par le moyen de quelque fosse ou tranchée, comme ainsi soit qu’en iettant les vuidanges du profond des fosses au dessus du champ circonuoisin, l’on a trouué que le bled qui estoit semé audit champ, estoit plus gaillart et espoix à l’endroit où les vuidanges des fossez auoyent esté iettées ; quoy voyant les propriétaires du champ peuuent auoir prins l’année suyuante de la terre dudit fossé et l’ayant espandue par toutes les parties du champ, ils ont trouué que ladite marne estoit autant bonne et meilleure que fumier. La premiere inuention d’auoir trouué la marne, peut auoir aussi esté trouuée en creusant les puits pour chercher de l’eau, et en quelque lieu est aduenu qu’ayant creusé vn puits bien profond l’on a ietté les vuidanges et espandu par toute la terre circonuoisine de la fosse dudit puits, et apres que le champ a esté labouré et semé, l’on a trouué ce qu’on ne cherchoit pas, qui est que les semences iettées és parties du champ couuert des vuidanges du puits, se sont trouuées espoisses, belles et gaillardes. Voila deux effets qui ont peu aduertir les premiers qui ont vsé de la marne, et t’ose dire et asseurer que l’vn et l’autre sont veritables, et peuuent encores seruir comme d’inuention aux lieux ausquels