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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/386

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DE LA MARNE.

la marne ne fut onques vsitée, et te donneray vn argument inuincible, qui est que quelquesfois la marne se treuue dés le commencement, ou bien pres de la superficie de la terre, et descendant tousiours en bas, tirant vers le centre, autre marne ne se peut trouuer que premierement l’on n’aye fait vue fosse de quinze ou vingt pieds ; quelquefois plus de vingtcinq, et ayant trouué le commencement de ladite marne, il la faut tirer comme si on tiroit l’eau d’vn puits auec grand labeur. Voila pourquoy ie t’ay dit et asseuré qu’ayant trouué la marne par cas fortuit en creusant les puits et fosses, que depuis l’inuention estant trouuée l’on a cherché apres si auant és pays où elle est vsitée et conneue. Il faut donc conclure que la marne ne se peut apprendre à trouuer par theorique, non plus que les eaux cachées sans source, et que tout ainsi que les terres argileuses se trouuent quelquefois pres la superficie, et quelquesfois les faut chercher profond, semblablement la terre de marne se trouue, comme ie t’ay dit cy dessus. Si tu veux donc trouuer de la marne ie te conseilleray retenir l’exemple d’vn bon pere de famille Normand, lequel habitant à vne paroisse de Normandie, qui prenoit grand peine à cultiuer ses terres, et ce neantmoins il estoit contraint toutes les années d’aller acheter du bled hors de la paroisse : car toute ladite paroisse estoit infertile, et ne se trouuoit nul qui cueillist du bled pour sa prouision ; et quand il venoit vne cherté, et que les hommes de ladite paroisse alloient acheter du bled en la prochaine ville, les autres paroisses les maudissoient, disans qu’ils estoient cause d’encherir le bled. Il aduint que ce bon pere de famille que ie t’ay dit au commencement s’auança quelque iour de prendre son chapeau plein d’vne terre blanche qu’il trouua dedans vne fosse, et la porta en quelque endroit d’vn champ qu’il auoit semé, et marqua l’endroit où il auoit mis ladite terre, et quand les semences furent accreuës il trouua que le bled estoit espoix, vert et gaillard sans comparaison plus qu’en nul autre partie du champ : quoy voyant le bon homme fuma l’année suyuante tous ses champs de laditte terre, lesquels apporterent des fruits abondamment ; et apres que ses voisins et tous les habitans de ladite paroisse furent aduertiz d’vn tel fait, ils firent diligence de trouuer de ladite terre de marne, et en ayant fumé leurs champs ils recueillirent plus abondamment des fruits que nuls d’autres