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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/400

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DE LA MARNE.

Theorique.

Ie trouue icy vne chose fort estrange, qui est de ce que tu contredis à tant de millions d’hommes, tant des passez que des viuants, en ce qu’ils disent tous, et le tiennent pour chose certaine, que la marne et la terre d’argile est grasse, et que les terres sont ameilleurées pour cause de la graisse qui est en la marne : et toy comme opiniatre inueteré, les veux gaigner contre tous.

Practique.

Si tu auois bien consideré le propos que ie t’ay tenu cy dessus en parlant de l’or potable, du restaurant d’or, des graisses et des eaux, tu eusses connu par là, que depuis que les hommes sont abreuuez d’vne opinion fausse, il est difficile de leur arracher de la teste : mesmement à ceux qui se soucient bien peu de considerer les effects de nature. Te souuient-il pas que i’ay assemblé autre fois à Paris, des plus doctes Medecins, Chirurgiens et autres naturalistes, lesquels m’ont tous accordé que les Philosophes, Physiciens, passez et presens, auoient abusé en escriuant du restaurant d’or, de l’or potable, des metaux, des eaux, et des pierres, et en plusieurs autres instances, desquelles tu sçais que i’ay faict lecture, et n’ay iamais trouué homme qui m’ayt contredit : toutesfois il se trouua un Alchimiste, lequel auoit bruit de se tourmenter apres l’augmentation des metaux, pour de là venir à la monnoye. Iceluy, dis-ie, estoit fort mal content de ce que ie parlois de l’or potable, pource qu’il pretendoit potager l’or pour donner teincture à l’argent, ce qui est impossible, sinon seulement sur la superficie pour en abuser : et comme tu sçais que de l’abondance du cœur la langue parle, iceluy passionné de mes propos, attendit que l’assemblée s’en fut allée, et puis me vint dire qu’il sçauoit faire de deux sortes d’or potable. Sa passion auoit causé qu’il auoit mal entendu : car ie ne disois pas que l’or ne se peut rendre potable, car ie sçay plusieurs moyens de le potager, mais ie disois que quand il seroit potagé iamais ne se conuertiroit en la nature humaine, pour luy seruir de restaurant, parce qu’il ne se peut digerer. Et pour reuenir à poursuyure les fauces opinions inueterées sur le fait des terres qu’ils appellent grasses, ie t’allegueray la mesme raison que i’ay dit en parlant des terres argileuses, qui est qu’esdites terres il y a deux eaux : l’vne est commune