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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/42

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XXXIV

fagotées à l’avance. Une fois placée sur son terrain, Practique pousse l’argument avec habileté, manie le sarcasme avec finesse, et ne laisse plus aucun repos à son interlocuteur. Quelques-uns de ces dialogues peuvent être regardés comme des thèses complètes et comme de véritables modèles d’argumentation.

On a comparé le style de Palissy à celui de Montaigne. Son expression, en effet, est presque toujours vive, pittoresque, prime-sautière, comme celle du célèbre sceptique. Il l’égale souvent par son tour ingénieux, par une certaine verve de logique, par une liberté de pensée et de langage qui n’exclut pas la finesse et la malice ; d’autres fois il le surpasse par le piquant et la nouveauté des formes, par l’élévation des idées, par une éloquence vive et naturelle qui prend sa source dans la fermeté de son caractère et dans la sincérité de ses croyances. Alors son style se remplit d’images, et atteint à une hauteur toute poétique ; c’est l’élan d’un cœur pur, honnête, religieux ; c’est le reflet de la candeur et de l’énergie de son âme, comme parfois on y retrouve les caractères de son talent d’artiste et les qualités qui distinguent ses ouvrages d’art, c’est-à-dire l’originalité, le relief et le coloris.

En jetant un dernier regard sur cette nature si puissante et dotée si richement des facultés les plus variées, on se demande si Palissy fut heureux. Il le fut, sans doute, en ce sens qu’il atteignit le but spécial de ses labeurs ; mais la gloire, cet autre but de l’ambition de toute âme élevée, l’obtint-il de la justice de ses contemporains ? Malheureusement, non. Ses écrits furent à peine connus de son vivant ; ses ouvrages d’art ne furent jamais populaires. Peu compris de son siècle, qui ne vit en lui qu’un potier de terre, parce qu’il ne rechercha point d’autre titre, apprécié seulement par un petit nombre de gens de goût, il en tira peu de parti pour sa gloire contemporaine, et encore moins pour sa fortune. Il se crut ignorant pour n’avoir point lu les livres des philosophes, tandis qu’il avait « anatomizé la matrice de la terre » et étudié le grand livre de la nature ; il