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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/450

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ne se leue que la simple eau terrestre, sans odeur, saueur ny vertu que bien peu[1].

Tu me diras que l’eau rose tient beaucoup de l’odeur de la rose. Ie te dis que la rose tient plus de la vertu aërée que nulle autre herbe ny plante, qui est la cause que l’eau retient quelque peu de l’odeur. Mais si tu la distillois comme il la faut distiller, tu trouuerois bien vne autre odeur que n’est celle qui est distillée en plomb ou en verre, car si tu en auois frotté tes mains ou ta barbe (si tu en as) l’odeur n’en sortiroit de trois ou quatre iours. Et si tu veux cognoistre l’eau bien distillée, il faut qu’elle ait l’odeur, saueur et force du suiet dont elle est extraite, et qu’elle ne tienne rien de la violence du feu. Et estant ainsi tu iugeras que ton eau est bien distillée, et tient partie de la vertu de son suiet. Les Medecins qui ordonnent les eaux, cuidant auoir la vertu entiere du medicament, sont bien bestes, et dignes de mener paistre ; car il faut entendre que toutes herbes, plantes, pierres et metaux, sont engendrez des quatre eslemens celestes, et semblablement l’homme et tous autres animaux, et ont en chascun corps quatre eslemens terrestres, à sçauoir quatre humeurs consonans au celeste, qui est le feu, l’eau, l’air, la terre. Aussi le petit monde qui est l’homme, est composé de quatre humeurs qui sont la colere pour le feu, le flegme pour l’eau, le sang pour l’air, et la colere noire (que nous disons melancolique) pour la terre. Semblablement toutes herbes et plantes, pierres et metaux, sont composez de quatre eslemens, humeurs ou essences, à sçauoir l’eau pour l’eau, l’huile pour le feu, le sel pour l’air, et la forme pour la terre[2]. Et chascun de ces eslemens tient sa part de la vertu du corps où ils sont implantez l’vn plus que l’autre ; parquoy tu es bien abusé si pour faire boire de l’eau d’vne herbe aux malades, tu penses auoir toute la vertu de l’herbe dont est extraite l’eau. Tu n’en as point en

  1. Un argument aussi mal fondé et si évidemment contraire à l’experience, ne peut appartenir à un homme comme Palissy.
  2. On ne peut s’empêcher de remarquer ici que l’auteur se montre partisan de la doctrine de Galien sur les éléments et les humeurs qui leur correspondent ; et, plus loin, de celle de Pythagore sur le macrocosme et le microcosme. Or ces doctrines, si elles n’étaient pas totalement ignorées de Palissy, qui n’avait pas lu les anciens, ne devaient au moins trouver nul crédit auprès d’un homme qui se faisait honneur de n’admettre aucune opinion sur la foi des maîtres, et sans l’avoir vérifiée par lui-même.