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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/451

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la maniere que nous auons esté enseignez par les Medecins à distiller : mais encores qu’elle fust distillée en toute perfection, tu n’en aurois que bien peu : car l’eslement de l’eau de quelle herbe que ce soit, soit chaude ou froide, est tousiours eau. Ie ne dis pas quand elle est bien distillée, que elle ne tienne de la vertu, mais moins que l’huile de la moitié, et moins que le sel du quart, et cela tu cognoislras, si tu goustes lesdits eslemens, à l’odeur, saueur et force.

Ie voudrois bien prier vn Medecin qu’il m’enseignast à extraire les quatre eslemens ou essence d’vne herbe ou plante, pierres ou metaux, et les rendre chascun à part, sans y adiouster ou diminuer, qui est le principal point de la Medecine. Il ne faut point attendre cela d’eux, car ils n’y sçauent rien du tout, et n’en veulent rien sçauoir, et ne veulent que leur vieille mode, qui est fausse, et ne vaut rien ; mais ce leur est tout vn, seulement qu’argent vienne : aussi leurs cures vont le plus souvent à rebours.

N’est-ce pas vne grande ignorance à eux, qui deuroyent estudier aux choses exquises et necessaires, chasser toutes erreurs, s’enquerir des choses bien faites, et les choses mal faites et abusiues, les reformer afin que leurs operations en fussent meilleures, et que les malades ne fussent en danger ? et la meilleure ordonnance qu’ils ayent, c’est vn Iullep à vn pauure malade, ayant l’estomac debile et desuoyé, auquel Iullep entre quatre onces d’eau, distillées à la maniere antique (ne sentant que le plomb et feu qui vaudroit mieux eau de puits ou fontaines) auec vne once ou deux de sirop le matin pour conforter ce pauure estomac, et voila le meilleur remede qu’ils ayent.

Et si ie disois à vn Medecin ; i’ai de l’eau distillée parfaitement, il me diroit : gardez-vous bien y en mettre, car ils ne sçauent que c’est, et n’est point escrit en leurs liures. Et combien nous en ont-ils fait faire d’abus par leurs ordonnances le temps passé ? Comme prendre vn medicament l’vn pour l’autre, à cause qu’ils n’auoyent point estudié en Grec, et seulement ne le sçauoyent pas lire ; et puis disoyent que les Apoticaires failloyent et qu’ils n’auoyent pas bien fait leurs ordonnances, quand leurs operations ne venoyent à propos, et s’excusoyent sur les pauures Apoticaires, encores auiourd’huy font le semblable.