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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/453

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febricitant toutes les fois qu’il en demandera, car il en demanderoit trop souuent ; et luy en bailler peu et souuent ne sert que l’inflammer dauantage, mais bien luy en bailler vne fois ou deux assez abondamment au lieu de luy en bailler cinq ou six fois. Alors tu luy esteindras cette grande chaleur, siccité et acrimonie ; et aussi tu luy defendras le foye et les intestins, à qui cette grande chaleur et inflammation nuit beaucoup ; et ce faisant ne le feras mourir martyr, à faute de boire, comme tu as de coustume. Et si tu as esgard à ton patient qui a la langue noire, les dents et les leures, tu considereras qu’il y a grande chaleur au foye et estomac ; parquoy tu luy concederas le boire raisonnable, sans le faire languir et mourir à petit feu : mais aucuns Medecins de maintenant prennent si bien garde à leurs malades, et espeluchent si bien les matieres, qu’ils n’oseroyent conceder outre ce que leurs liures en ont dit, sans donner aucun allegement à leurs patiens, et deussent-ils mourir, ce qu’ils font la pluspart à faute de les soulager ; mais c’est tout vn au Medecin, pourueu qu’il ait argent.

Ie trouue vne grande philosophie aux Medecins de maintenant, qui ordonnent l’eau bouillie à leurs patiens, disant que l’eau bouillie par l’ebullition du feu, se rend plus vnctueuse, perd sa froideur et viuacité, ce qui est faux, sinon que l’on la fist boire chaude ou tiede, et ce faisant perdroit sa viuacité actuelle, mais non potentielle : car quand tu l’aurois fait bouillir trois iours, laisse là puis refroidir, elle retourne comme elle fut, et n’y aura plus ny moins : sinon qu’elle print quelque goust estrange de fumée, ou du vase où elle auroit esté bouillie : car tu te peux bien asseurer que ce sera toujours eau, comme elle fut, froide et humide, si tu la laisses refroidir ; parquoy tu es bien abusé faire bouillir l’eau simple pour la faire plus proufitable aux malades. Ie t’asseure bien qu’elle vaut moins, car en bouillant le plus subtil s’en va, et demeure le plus terrestre et le plus gros ; parquoy il seroit bien meilleur la faire boire sans bouillir, que la bouillir.

Si tu estois bon philosophe tu sçaurois que les eslemens ne se destruisent l’vn l’autre, et n’ont puissance l’vn sur l’autre sinon que l’vn soit plus fort que l’autre, à sçauoir en plus grande quantité ; comme si l’eau est en plus grande quantité que le feu, elle le chasse ou pousse, et se rend actiue et rend le feu passif ; au semblable quand le feu est en plus grande