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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/454

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quantité que l’eau, il pousse et chasse l’eau en se rendant actif et rendant l’eau passiue ; mais la destruire, consommer ou changer sa complexion, il n’en est rien : car rien ne se perd en ce monde ; les eslemens ne augmentent ny diminuent, ny se transmuent l’vn l’autre, chascun fait son action.

S’il estoit ainsi que le feu consommast l’eau et la transmuast, et que l’eau consommast le feu ou le transmuast, il y a longtemps que nous eussions faute d’eau ou de feu, ou bien que Dieu augmentast ou diminuast l’astre à mesure que les eslemens augmenteroyent ou diminueroyent. Ie ne dis pas que chascun n’ait son temps et force vne fois l’vn plus que l’autre : comme en hyuer la terre, au printemps l’air, en esté le feu ou soleil, en automne l’eau, et ont chascun leur regne en leurs temps ; comme au petit monde les humeurs ayant semblable action comme les eslemens.

Ie ne dis pas que faire bouillir en eau quelque medicament, comme orge, rigalisse ou autre, ne soit bon, car le medicament cuit ou putrifié en eau, s’il est chaud, rend l’eau moins froide, y laissant de sa vertu selon la quantité que tu y mets. Et si tu y fais bouillir orge ou autre medicament nutritif, la rendras nutritiue comme aux potages de chair, ou autres, et semblablement auras de la vertu des herbes et plantes que tu y feras cuire, quelque portion et non toute ; mais si y aura-t-il tousiours de l’eau qui fera son action par dedans. Ie ne te donneray aucune autorité que la vraye experience ; et si tu la veux sçauoir, prens vn grand materac ou phiole, et y mets deux onces d’eau bien pesées, puis le bouche du verre mesme, que rien n’en puisse aspirer, et que nuls porres du verre ne soyent ouuerts, puis tiens-la sur le feu tant que tu voudras, et la fais rougir au feu si bon te semble, et tant de drachmes que tu en consommeras, ie t’en donneray autant de cent escus, et l’y tinsses-tu deux ans comme i’ay fait. Et ayant ce experimenté, cognoistras que les eslemens ne consomment ny destruisent l’vn l’autre ; et si tu n’en veux faire l’experience, i’en fais iuge de mon dire toutes gens de sçauoir et bons philosophes qui en diront la verité, et d’autres choses que ie diray cy-après, sans alleguer autheur : car ie ne veux escrire la cognoissance des maladies, ny la maniere de les curer ; mais ie veux escrire les abus et ignorances de plusieurs Medecins en la cognoissance des medicamens et cure des mala-