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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/467

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respond qu’elles doiuent estre legeres ; et Lisset luy dit pourquoy il prenoit le rhubarbe, veu que le bon rhubarbe se doit eslire le plus pesant ; ie responds icy à nostre Maistre Lisset que l’Apoticaire luy auoit mieux respondu que ledit Lisset ne luy auoit demandé : car s’il n’est la plus grande beste du monde, pour attirer du cerueau en toutes les compositions il y a du rhubarbe : et si le rhubarbe est de substance pesante, si est-il de vertu subtile ; et s’il n’estoit de vertu subtile, il ne purgeroit pas la colere. L’aloes est bien de substance pesante, si attire-t-il du cerueau mesme, et en vsons en toutes nos pillules : voila vn bel argument pour escrire et faire imprimer.

Il dit bien vray que nature guerit les maladies, car ce ne sont pas les Medecins : parce qu’ils ne cognoissent les maladies, nature ny medicamens ; n’est-ce pas bien cogneu la vertu et faculté des medicamens qu’ils ont tenus, eux et les Chirurgiens, l’argent vif ou mercure, froid au quart degré, qui est au contraire ; il est bien froid actuellement, mais chaud potentiellement, et n’y a metal que luy qui soit subtil, et qui entre dans les pores, de tant qu’il y en a.

Ie suis esbay que les Medecins et Chirurgiens n’y ont prins garde, mesme l’experience le leur a tousiours monstré deuant les yeux. Y a-t-il Medecin ny Chirurgien qui sçeust inflammer le foye et l’estomac, par onguent qu’il sçache faire à vn verollé, luy donner mal de gorge sans argent vif, ny moins qu’ils puisse guerir cette maladie qui est vne lepre froide, sans argent vif, qui est le principal medicament, et celuy qui fait plus d’action en cette maladie, qui comme par sa grande chaleur fait ulcerer la gorge, les leures, les genciues, fait branler les dents comme vn clauier d’orgues. Et s’il estoit froid, feroit-il toutes ces actions, donneroit-il telles inflammations, causeroit-il faire suer ? Tu me diras, ce n’est pas luy seul qui enflamme et donne mal de gorge.

Ie te vais conter vne experience veritable d’vn ieune homme qui vne fois vint à moy, et me pria luy donner secours à certaine maladie : c’estoit qu’il auoit force morpions, et ne pouuoit durer ; ie luy fis vn petit liniment où ie mis vne once de pommade qui est faite de gresse de chevreaux, de pommes et d’eau rose, et tout cela est froid : ie y mis vne dragme d’argent vif, et le tout incorporé, luy en fis frotter les genitoires,