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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/466

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leurs malades, qui est bien au contraire : car il ne distillera que l’eau pure, comme ie t’ay ia baillé l’experience de l’eau salée, et n’aura nulle odeur ou saueur, sinon de la chair qui bruslera au cul de l’alambic, qui fera que l’eau sentira l’alambic et le bruslé, et rien autre ; et le bon et le substantiel demeurera et ne montera point ; et le Medecin fera boire de cette eau à son malade pensant le restaurer, qui ne vaut non plus que eau de puits, n’a odeur que d’eau et de feu.

Experience, prens vn chapon ieune et non vieux, et vne perdrix, ou autre que tu voudras, et le fais bien cuire, et tu trouueras en la decoction ou bouillon vne grande odeur, si tu l’odores, et vne grande saueur si tu le goustes, tellement que tu iugeras que cela est bastant pour restaurer. Fais le distiller, puis prends de l’eau et en goustes, et tu la trouueras insipide, sans goust, ny odeur que du bruslé, comme i’ay ia dit ; lors tu iugeras que ton restaurant n’est bon, et ne peut rendre bon suc au corps debille, à qui tu l’ordonnes pour faire bon sang, pour restaurer ny fortifier les esprits de nature.

Ie ne veux pas dire que le sucre et canelle, quand ils y en ordonnent, n’y seruent plus que toutes les chairs distillées qu’ils y sçauroyent mettre : car il vaudroit mieux l’odeur des potages desdites chairs, que l’eau qui en sort ; et vaudroit mieux eau de fontaine que icelle eau ayant mauuaise odeur ; et voila les restaurans de nos ignorans Medecins.

Si tu veux faire vn bon restaurant facile à distribuer, et transmuer, par tout le corps, fais cuire chapons, poulles, ieunes, non vieux, et autres que tu voudras, puis le presse fort bien dans vne presse, tant que les os rendent leurs moelles, puis en fais vne gelée bien claire et de bon goust, et tu auras toute la substance de la chair, sans distiller ; et si y adiousteras tel medicament que tu voudras, dont tu auras la substance, et n’empescheras l’estomac de ton patient, ains le restaureras, sans aborrition, comme font les autres restaurans susdits, aborrisant aux sains et alegres, mais le prendra plaisamment, et ne luy coustera que d’aualler, et aura la substance et vertu de tout ce que tu y auras mis, comme i’ay dit.

Maistre Lisset recite l’argument qu’il fit à l’Apoticaire qui disoit que le rhubarbe attiroit du cerueau, et Lisset luy demanda, à sçauoir si les drogues qui ont vertu d’attirer du cerueau, doiuent estre legeres ou pesantes : l’Apoticaire luy