Aller au contenu

Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/473

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
425

cultiuées, ce qui est faux ; et si tu n’es asne, tu trouueras que les chardons qui sont viandes d’asnes, cultiuez sont plus sauoureux, plus grands en herbe, racine et semence, et plus plaisans à manger que ceux qui croissent par les montaignes, et champestres non cultiuez. Semblablement si tu regarde les herbes et plantes, commes les especes d’antibes et autres, si l’agriculture ne leur donne double saueur, double corps, et au lieu d’estre seiches et arides, sont douces et amiables. Et si tu veux dire qu’elles n’ayent double vertu, ie te dis que pour le moins elles en ont plus que celles qui croissent sans cultiuer ; et si tu veux sçauoir l’experience, regarde vn arbre ou fructice qui n’ait point esté enté, et vn de mesme fruict qui ait esté enté, et taste des deux fruicts, et tu verras lequel est le meilleur, et lequel a plus attiré de la uertu aërée.

Autre : prens des raisins, des lambrucs qui croissent sans cultiuer, et de ceux de vigne qui est cultiuée, et en fais du vin, et gouste dudit vin, et tu trouueras que celuy qui est fait sans cultiuer, ne sent que l’eau et l’acerbe ; et celuy qui est cultiué, est de bon goust, et plus chaud deux fois que celuy de lambrucs ; parquoy tu peux iuger que le vin de sa nature est chaud, et ne perd sa chaleur pour l’agriculture, ains l’augmente de la moitié. Par ce moyen ie conclus que toutes choses cultiuées croissent en corps et vertu de moitié plus que les champestres, et non cultiuées, et sont plus odorantes vertes et seiches.

Quelle erreur trouue Lisset à l’Apoticaire prendre les herbes seiches au lieu des vertes ? Les Medecins pensent-ils qu’vne herbe prise en son temps bien deseichée, soit moindre qu’vne verte et recente ? Ie dis que la seiche ne perd rien de sa vertu pour estre seichée ; elle ne perd que l’eau terrestre dequoy elle a esté nourrie en la terre ; mais de son eau eslementaire elle n’en perd rien, mesme que si ie voulois auoir la vraie eau, moy et tous les bons distillateurs, il la faudroit faire seicher ou prendre de la seiche.

Autre : si tu en veux sçauoir l’experience, prens vne poignée d’herbe seiche de laquelle que tu voudras, et vne poignée de verte, et les faits bouillir à part, et autant l’vne que l’outre, puis prens la decoction des deux, et en taste et l’odore, et tu trouueras que la decoction de toute herbe qui est seiche est plus odorante et plus forte que celle de la verte ;