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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/54

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À MA TRÈS-CHÈRE ET HONORÉE DAME,
MADAME LA ROINE MÈRE[1].




lettrine adame, quelque temps après que, par vostre moyen et faveur, à la requeste de Monseigneur le Connestable, ie fus déliuré des mains de mes plus cruels ennemis, i’entray en un débat d’esprit sur le fait de l’ingratitude des hommes : sachant bien que la cause pour laquelle ils me vouloyent liurer à la mort, n’estoit si non pour leur auoir pourchassé leur bien, voire le plus grand bien qui leur pourroit iamais advenir. Quoy considéré, i’entray en moy-mesme, pour fouiller les secrets de mon cœur et entrer en ma conscience, pour savoir s’il y auoit en moi quelque ingratitude, comme celle de ceux qui m’auoient livré au péril de la mort. Lors me vint à souvenir du bien qu’il vous a pleu me faire, quand de vostre grâce vous employastes l’authorité du Roy pour ma déliurance. Quoy voyant, ie trouvay que ce seroit en moy une grande ingratitude, si ie ne recognoissois un tel bien : ce neantmoins, mon indigence n’a voulu permettre que ie me transportasse iusques en vostre présence pour vous remercier d’un tel bien, qui est la moindre récompense que ie pourrois faire. Et combien que Dieu m’aye donné plusieurs inuentions desquelles ie pourrois vous faire service, ce néantmoins ie n’ay eu moyen vous le faire entendre, qui m’a causé mettre en récompense de ce, plusieurs secrets en lumière contenus en ce liure, lesquels tendent à fin de multiplier les biens et vertus de tous les habitans du Royaume. Ma petitesse n’a osé desdier mon œuure au Roy, sachant bien qu’aucuns voudroyent dire que i’aurais ce fait, tendant à fin d’estre recompensé : quand ainsi seroit, ce ne seroit rien de nouueau. Madame, il ne fut iamais que les bonnes inuentions ne fussent recompensées par les Roys ; ce néantmoins, que i’ay espérance que cest œuure sera plus utile au Roy que pour nul autre : toutes fois, à cause de ma petitesse, ie l’ay desdié à Monseigneur de

  1. Catherine de Médicis.