Aller au contenu

Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5

esté veuë. Item, ayant fait une plus ample inquisition, ils trouueront que nul homme ne m’a apprins de sauoir faire la besongne susdite. Si donques il a pieu à Dieu de me distribuer ses dons en l’art de terre, qui voudra nier qu’il ne soit aussi puissant de me donner d’entendre quelque chose en l’art militaire, lequel est plus apprins par nature, ou sens naturel, que non pas par pratique ? La fortification d’une ville consiste principalement en traits et lignes de géométrie, et on sait bien que, grâces à Dieu, je ne suis point du tout despourveu de ces choses. J’ay prins la hardiesse de vous proposer ces argumens, à fin d’obvier aux détractions qu’aucuns vous pourroyent persuader, en vous disant que la chose est impossible : toutesfois ie me soumets à receuoir honteuse mort, quand je ne feray apparoir la vérité estre telle toutesfois et quantes il vous plaira m’employer à cest affaire. Si ces choses ne sont escrites à telle dextérité que Vostre Grandeur le mérite, il vous plaira me pardonner : ce que j’espère que ferez, veu que je ne suis ne Grec, ne Hébrieu, ne Poëte, ne Rhétoricien, ains un simple artisan bien pauurement instruit aux lettres : ce néantmoins, pour ces causes, la chose de soy n’a pas moins de vertu que si elle estoit tirée d’un homme plus éloquent. I’aime mieux dire la vérité en mon langage rustique, que mensonge, en un langage rhétorique. Suyvant quoi, Monseigneur, i’espère que receurez ce petit œuvre d’aussi bonne volonté que ie désire qu’il vous soit agréable. Et en cest endroit, je prierai le Seigneur Dieu, Monseigneur, vous donner, en parfaite santé, bonne et longue vie.

Votre très-affectionné et très-humble serviteur,

Bernard Palissy.