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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/58

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AU LECTEUR, salut.




lettrine mi lecteur, puisqu’il a pleu à Dieu que cest escrit soit tombé entre tes mains, ie te prie ne sois si paresseux ou temeraire de te contenter de la lecture du commencement ou partie d’icelui : mais à fin d’en apporter quelque fruit prens peine de lire le tout, sans auoir esgard à la petitesse et abjecte condition de l’autheur, ni aussi à son langage rustique et mal orné, t’asseurant que tu ne trouueras rien à cet escrit qui ne te profite, ou peu ou prou : et les choses qui au commencement te sembleront impossibles, tu les trouueras en fin véritables et aisées à croire : sur toutes choses, ie te prie te souvenir d’un passage qui est en l’Escriture Saincte, là où sainct Paul dit : qu’un chacun selon qu’il aura receu des dons de Dieu, qu’il en distribue aux autres. Suivant quoy, ie te prie instruire les laboureurs, qui ne sont literez, à ce qu’ils ayent soigneusement à s’estudier en la philosophie naturelle, suivant mon conseil : et singulièrement, que ce secret et enseignement des fumiers, que i’ai mis en ce liure, leur soit diuulgué et manifesté : et ce iusqu’à tant qu’ils l’ayent en aussi grande estime, comme la chose le merite : comme ainsi soit que nul homme ne sauroit estimer combien le profit sera grand en la France, si en cest endroit ils veulent suiure mon conseil. Il y a en certaines parties de la Gascongne et aucuns autres pays de France, un genre de terre qu’on appelle merle (marne), de laquelle les laboureurs fument leurs champs, et disent qu’elle vaut mieux que fumier : aussi, disent-ils que, quand un champ sera fumé de la dite terre, que ce sera assez pour dix années. Si ie voy qu’on ne mesprise point mes escrits, et qu’ils soyent mis en exécution, ie prendray peine de cercher de la dite merle en ce pays de Xaintonge, et ferai un troisième liure, par lequel i’apprendray toutes gens à cognoistre ladite merle, et mesme la manière de l’appliquer aux champs, selon la méthode de ceux qui en usent ordinairement. Ie say que mes haineux ne voudront ap-