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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/59

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prouuer mon œuure, ni aussi les malicieux et ignorans, car ils sont ennemis de toute vertu ; mais pour estre iustifié de leurs calomnies, enuies et détractions, i’appelleray à tesmoin tous les plus gentils esprits de France, philosophes, gens bien viuans, pleins de vertus et de bonnes mœurs, lesquels ie say qu’ils auront mon œuure en estime, combien qu’elle soit escrite en langage rustique et mal poli : et s’il y a quelque faute, ils sauront bien excuser la condition de l’autheur. Ie say qu’aucuns ignorans diront qu’il faudroit la puissance d’un Roy pour faire un iardin, iouxte le dessein que i’ay mis en ce liure ; mais à ce ie respons que la despense ne seroit si grande, comme aucuns pourroyent penser. Et puis il faut entendre que tout ainsi qu’à un liure de médecine, il y a diuers remedes, selon les maladies diuerses, et un chacun prend selon ce qui luy fait besoin, selon la diversité du mal : aussi en cas pareil, au dessein de mon iardin, aucuns pourront tirer selon leurs portées et commoditez des lieux où ils habiteront. Voilà pourquoy nul ne pourra iustement calomnier le dessein de mon iardin. Ie say aussi que plusieurs se moqueront du dessein de la ville de forteresse que i’ay mis en ce liure, et diront que c’est resverie ; mais à ce ie respons que, s’il y a quelque Seigneur chevalier de l’ordre ou autres capitaines qui soyent tant curieux d’en savoir la vérité, qu’ils pensent de n’être si sujets ni captifs sous la puissance de leur argent que, pour le contentement de leur esprit, ils ne m’en départent quelque peu pour leur faire entendre par pourtrait et modelle la vérité de la chose. Ie say qu’ils trouueront estrange que ie n’ay point mis en ce liure le pourtrait du iardin, ni aussi de la ville de forteresse ; mais à ce ie respons que mon indigence et l’occupation de mon art ne l’a voulu permettre. I’ay aussi trouué une telle ingratitude en plusieurs personnes, que cela m’a causé me restraindre de trop grande libéralité : toutefois le desir que i’ay du bien public et de faire seruice à la noblesse de France, m’incitera quelque jour de prendre le temps pour faire le pourtrait du iardin, iouxte la teneur et dessein escrits en ce liure ; mais ie voudrois prier la noblesse de France, ausquels le pourtrait pourroit beaucoup seruir, qu’après que i’auray employé mon temps pour leur faire seruice, qu’il leur plaise ne me rendre mal pour bien, comme ont fait les Ecclésiastiques Romains de cette ville, les-