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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/70

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de sel[1]. Item, le feu se print vne fois à vne grange pleine de foin, le feu fut si grand, que ledit foin en fin fut reduit en pierre, de la manière que ie t’ay conté du salicor et de la fougere : mais parce qu’en iceluy foin il y a moins de sel qu’au salicor et au tartare, lesdites pierres de foin et de paille ne sont suiettes à dissolution, ains endurent l’iniure du temps, comme pourroit faire un lopin d’excrement de fer. Ie sçay aussi que plusieurs verriers de ceux qui font les verres des vitres, se seruent de la cendre du bois de fayan[2] en lieu de salicor, qui vaut autant à dire, que la cendre dudit fayan n’est autre chose que sel : car autrement elle ne pourroit seruir à cest affaire. Quand ie voudrois mettre par escrit tous les exemples que ie pourrois trouuer, il me faudroit vn bien long temps : mais pour conclusion, ie te dis, comme dessus, qu’il y a vn nombre infini d’especes de sel, voire autant d’especes diuerses, que de diuerses saueurs. La couppe rose, et vitriol, ne sont que sel, le bourras (borax) n’est que sel, l’alun sel, le salpestre sel, et le nitre sel. Ie te dis, que sans qu’il y eust du sel en toutes choses, elles ne pourroient se soustenir, ains soudain seroyent putrefiees et annichilees. Le sel affermit, et garde de putrefier les lards, et autres chairs, tesmoins les Égyptiens, qui faisoient de grandes pyramides, pour garder les corps de leurs Roys trespassez : et pour empescher la putrefaction desdits corps, ils les poudroyent de nitre, qui est vn sel, comme i’ay dit, et de certaines espiceries, qui tiennent en soy grande quantité de sel. Et par tels moyens leurs corps estoient conseruez sans putrefaction : mesme iusques à ce iourd’huy, on en trouue encore esdites pyramides, qui ont esté si bien conseruez, que la chair desdits morts sert aujourd’hui d’vne médecine, qu’on appelle Momie. Ie te demande, As-tu pas veu certains laboureurs, que quand ils veulent semer vne terre deux années suiuantes, ils font brusler le gleu, ou paille restée du blé, qui aura este couppé, et en la cendre de ladite paille, sera trouué le sel que la paille auoit attiré de la terre, lequel sel demeurant dans le champ, aidera derechef à la terre ? Et ainsi la paille estant bruslee

  1. Il s’agit sans doute ici de quelques matières terreuses mises en fusion par une extrême chaleur et vitrifiées à l’aide de la potasse contenue dans la paille brûlée.
  2. Fayard, hêtre (fagus).