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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/75

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haye, à fin que les espines produisissent de rechef multitude de gittes et branches : cela fait et accordé, au iour determiné l’vn d’iceux print vn volant, qui est vn ferrement comme vne serpe : mais il est emmanché au bout d’un baston, et ainsi, celuy qui auoit le volant, couppoit ses espines de bien loin, à grands coups, craignant s’espiner, et en les couppant, faisoit plusieurs fautes et fractions aux seppes et racines desdites espines : mais son compagnon plus sage que luy, monstra qu’il auoit quelque Philosophie en son esprit : car il prist vne sie, et ayant des gans aux mains, il sia toutes les branches de ses espines, auec ladite sie, en telle sorte, qu’il ne fut fait aucune fraction : mais plusieurs se moquoyent de luy, dont à fin, ils furent moquez : car la partie de la haye qui auoit esté siee ainsi sagement, elle se trouua auoir produit derechef ses branches en deux annees plus grosses et plus grandes, que non pas celles de son compagnon en cinq annees : voila vn tesmoignage, qui te doit donner occasion de premediter et philosopher les choses deuant que les commencer. Ce n’est donc pas sans cause, que ie t’ay dit, qu’il est requis vne grande Philosophie en l’art d’agriculture.

Demande.

Tu m’as dit, que les aubiers estoyent creux, et pourris au dedans du cœur, à cause des eaux qui sont retenues sur la teste, pour la faute, ou imprudence de ceux qui couppent les branches, toutesfois, i’ay veu plusieurs Chesnes és forests, qui auoyent la iambe creuse, et n’auoyent iamais esté estaucez ou couppez.

Response.

Cela n’empesche pas que ma raison ne soit légitime, mais en cest endroit tu dois entendre, que plusieurs arbres ont des carrefours sur la rencontre des fourches, et plusieurs branches, qui ont prins leur accroissement en vn mesme endroit, et en se dilatant l’vne deçà, et l’autre delà, elles font vn certain receptacle entre lesdites branches, sur lesdits carrefours : et en temps de pluyes, les eaux qui descoulent le long des branches sont retenues sur lesdits carrefours ; et ainsi, par succession de temps, elles percent, et penetrent la iambe de l’arbre iusques à la racine, parce que le naturel de l’eau est de tirer tousiours en bas, voila qui cause que lesdits arbres sont creux dedans le corps. Veux-tu bien claire-