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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/74

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tenir les seps des vignes : dont s’en ensuiura, que les couppes de la multitude des branches qui auront esté couppees sur la teste dudit aubier, feront vn receptale d’eau sur ladite teste, laquelle eau estant ainsi retenue entrera petit à petit dans le centre et moile de l’aubier, et pourrira la iambe et tronc, comme tu peux apperceuoir en plusieurs aubiers, lesquels tu trouueras communement pourris par le dedans : et s’ils estoient couppez par science, ce mal seroit obuié par la prudence de l’homme. Veux-tu que ie te produise tesmoignage de mon dire ? Va à vn Chirurgien, et luy fay vn interrogatoire ; en disant ainsi, Maistre, il est aduenu à ce iourd’huy, que deux hommes ont eu chacun d’eux vn bras couppé, et y en a vn d’iceux à qui on l’a couppé d’vn glaiue tranchant, du beau premier coup tout nettement, à cause que le glaiue estoit bien esguisé : mais à l’autre, on luy a couppé d’vne serpe toute esbrechee, en telle sorte qu’il luy a falu donner plusieurs coups, deuant que le bras fust couppé : dont s’ensuit que les os sont froissez, et la chair meurtrie, et lambineuse, ou serpilleuse à l’endroit où le bras a esté couppé. Ie vous prie me dire, lequel des deux bras sera le plus aisé à guerir. Si le Chirurgien entend son art, il te dira soudain, que celuy qui a eu le bras couppé nettement par le glaiue tranchant, est beaucoup plus aisé à guerir que l’autre. Semblablement ie te puis asseurer, qu’vne branche d’arbre couppee par science, la playe de l’arbre sera beaucoup plustost guerie, que non pas celle qui par violence et inconsiderement sera froissee. Voila pourquoy ie voudrois que les laboureurs et buscherons eussent ceste consideration, quand ils couperont les branches des arbres, en esperance que la seppe apporte encore branches, qu’ils eussent esgard de faire la couppe nettement, et en pente, à fin que les eaux, ni aucune chose, ne se peust retenir sur ladite couppe. Et sur toutes choses, qu’on se donnast bien garde de les froisser, ni fendre en les couppant. Veux-tu ouyr vn bel exemple ? Il y auoit deux laboureurs, qui auoyent arrenté vne terre nouuelle, et pour icelle clorre, ils auoyent fait vn fossé, par égale portion : et sur le bord dudit fossé, ils auoyent planté des espines vn mesme iour l’vn et l’autre : quelque temps apres que les espines furent grandes, et bonnes à faire fagots, pour chauffer les fours, ils vont ensemble accorder, qu’il faloit estaucer (tailler) leur palice ou