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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/78

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Poule deuient maigre, pour espellir (expellere) ses poulets, et la Chienne souffre en produisant ses petits, et consequemment toutes especes et genres, et mesme la Vipere, qui meurt en produisant son semblable[1], ie te puis aussi asseurer, que les natures vegetatiues et insensibles souffrent, en produisant leurs fruicts. I’estois quelque fois és Isles de Xaintonge, où i’apperceu vne vigne plus chargee de fruits que toutes les autres, et m’enquerant de la raison, on me respondit qu’elle estoit chargee à la mort : lors ayant demandé l’interpretation de cela, on me dist, qu’on lui auoit laissé plus de rameaux que de coustume, parce qu’on la vouloit arracher apres la cueillie, et qu’autrement on n’eust voulu permettre, qu’elle eust chargé si abondamment, ce qui vaut autant dire, que si on laissoit faire ausdites vignes ce qu’elles voudroyent, qu’elles se tueroyent, à cause de l’abondance des fruits, qu’elles s’efforceroyent de produire. I’ay contemplé plusieurs fois des arbres et plantes, qui par secheresse, ou autre accident se mouroyent : toutesfois, deuant que mourir, ils se hastoyent de fleurir et produire graines et fruits deuant le temps accoustumé. Or si ainsi est, que les arbres et autres vegetatifs trauaillent, et sont malades en produisant, il faut conclurre, que si tu couppes tes arbres au temps des fruits, des fleurs, et des feuilles, tu les couppes en leur maladie, dont la foiblesse de ladite maladie demeurera audits arbres, et la charpente qui sera faite desdits arbres ne sera iamais si forte, ni de si grande duree, que celle qui sera faite des arbres qui seront couppez au temps d’hyuer et froidures seches, comme i’ay dit cy dessus. Si tu es homme de bon iugement, tu peus à present cognoistre par les argumens susdits, que ce n’est pas sans cause, que i’ay dit, qu’il est requis quelque Philosophie à ceux qui exercent l’art d’agriculture, et si tu eusses entendu ce qu’vn bon laboureur deuroit entendre, tu n’eusses trouué estrange ce propos que ie t’ay dit au commencement, c’est à sçavoir, que ie cerchois un lieu montueux, pour edifier un iardin excellent et de grand reuenu.

Demande.

À la vérité, i’ay trouué cela fort estrange, et ne puis encore entendre la cause : parquoy, ie te prie, me la dire à fin de m’oster de ceste fantasie.

  1. C’est une ancienne erreur, fort accreditée du temps de Palissy.