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Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/79

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Responce.

Tu dois entendre, que les terres des lieux montueux sont plus salees, que non pas celles des vallees : et pour ceste cause, les arbres fruitiers qui croissent sur les hauts terriers produisent leurs fruits plus salez, et de meilleur goust, que ceux des vallees : voila vne raison qui te doit suffire pour le tout.

Demande.

Cuides-tu que ie te croye, de ce que tu dis à present, qu’il y aye du sel en la terre, et mesme en toutes especes ?

Responce.

Veritablement tu as vn pauure iugement : ie t’ay prouué cy deuant que, en toutes especes d’arbres, herbes, et plantes, il y auoit du sel, et à present tu veux ignorer qu’il y en aye en toutes terres. Et où penses-tu que les arbres, herbes, et plantes prennent leur sel, s’ils ne le tirent de la terre ? Tu trouuerois bien estrange, si ie te disois, qu’il y a aussi du sel en toutes especes de pierres, et non seulement és especes de pierres, mais ie te dis aussi, qu’il y en a en toutes especes de metaux : car n’y en ayant point, nulle chose ne se pourroit tenir en son estre ; ains se reduiroit soudain en cendre.

Demande.

Si de ces choses tu ne me donnes des raisons bien apparentes, ie ne croiray rien de tout ce que tu m’en as dit.

Responce.

Il te faut icy entendre, que la cause qui tient la forme et bosse des montagnes, n’est autre chose que les rochers qui y sont, tout ainsi comme les os d’vn homme tiennent la forme de la chair, de laquelle ils sont reuestus. Et tout ainsi que si l’homme auoit les os froissez et escachez, la forme du corps se viendroit à encliner, perdre et rabaisser son estre : semblablement, si les pierres qui sont és montagnes se venoyent à reduire en terre, lesdites montagnes perdroyent leur forme : car les eaux qui descendent des nues, emmeneroyent les terres desdites montagnes aux vallees, et ainsi il n’y auroit plus de montagnes, mais les pierres, comme ie t’ay dit, tiennent ladite forme. Et parce qu’esdites pierres il y a plus de sel, que non pas en la terre, les terres qui sont sur les rochers, se ressentent du sel desdites pierres : car, tout ainsi que ie t’ay dit que l’acreté de la fumee du bois estoit tesmoignage qu’elle