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Page:Paquin - Œil pour œil, 1931.djvu/49

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ŒIL POUR ŒIL

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sent las, fatigué du fardeau de la puissance.

Il aspire à s’en débarrasser. Il voudrait se terrer dans quelque petit coin tranquille, et là, avec les siens, Natalie et son fils, ce petit bébé à tête blonde qui repose dans son berceau, vivre dans le calme et la paix une vie sereine qu’aucune passion ne trouble.

Cela non plus, il ne le peut pas. Il est entraîné dans le courant. Il a juré de servir son pays, de toutes les forces de son esprit et de son âme… Le pays commande. L’honneur commande.

Il se lève, et lentement se dirige vers la chambre où dort son fils.

Il se penche vers le berceau et délicatement pour ne pas éveiller l’innocente créature qui repose, il l’embrasse sur le front.

Il lui semble que le contact de cette peau douce et tiède dont il respire l’odeur apaise un peu la fièvre qui le ronge.

Ses yeux s’embuent de larmes. Pleurerait-il ? Il en éprouve le besoin mais ne veut pas succomber à cette faiblesse. Il se raidit contre l’émotion qui le gagne et retourne à son cabinet de travail.

Les heures avancent au cadran cruel du temps.

Bientôt pour Lowinski la dernière aura sonné.

Partir ainsi en pleine jeunesse, en pleine santé.

De nouveau la vision se dresse du mur fatal et du peloton prêt à tirer.

De nouveau la tentation le saisit d’arrêter l’exécution.

Le téléphone est là à portée de sa main. Un geste, un mot, Lowinski est gracié…

Sa tête brûlante lui fait mal. Quelle nuit d’agonie.

De plus en plus la minute tragique approche.

Le noir de la nuit s’évanouit peu à peu. Dans quelques minutes, cinq heures va sonner…

Herman von Buelow se lève. Son cœur bat comme s’il allait briser la prison de sa poitrine…

Un étouffement le saisit à la gorge. Il s’appuie à la table de travail… Cinq heures sonnent…

Une grimace involontaire contracte ses traits…

C’est fini.

L’Uranie est vengé de celui qui voulait la perdre…

Une vie humaine, une autre vient d’être offerte en sacrifice au Régime nouveau.

Herman griffonne un mot à la hâte, et se sauve vers la ville.

Il ne se sent pas le courage d’affronter la douleur de sa femme. Il fuit vers le conseil de ministres étouffer dans le travail ardu le cri de sa détresse intime.


XV


Exilé, Luther Howinstein ne restait pas inactif. Il attendait son jour, son heure, confiant qu’elle sonnerait. Sa vengeance commencée se continuerait et se terminerait d’une façon éclatante. Sa vanité, son amour propre blessé, par Natalie Lowinska saignait encore comme saignait son cœur meurtri et lourd du poids immense de son amour.

Car il aimait follement, passionnément avec une ardeur aussi grande qu’il détestait. Haine, amour. Ces deux sentiments se confondaient en un seul. Il ne savait pas s’il aimait ou s’il détestait le plus.

Installé dans une petite ville de la Boshvie, en contact constant avec des émissaires qui le renseignaient sur la situation du pays, il continuait à diriger de loin, les activités de la Société secrète dont il était demeuré le grand chef.

Il tendait par un plan d’ensemble à englober toutes les villes et les villages de l’Uranie dans les filets de son complot.

L’argent ne lui faisait pas défaut. Des affiliations avec d’autres sociétés internationales lui fournissaient les fonds nécessaires au parachèvement de son œuvre.

Qu’importait pour lui de livrer l’Uranie à des puissances étrangères, d’y