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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/145

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LE ROMAN DE L’HISTOIRE.

goûts et aux moyens de Dumas. Ses héros, hormis Buckingham et Maison-Rouge, n’aiment guère à crédit ni à trop lointaine échéance. Jamais obscènes, toujours dispos, plus fougueux que tendres, ils engagent leur cœur, comme ils croisent l’épée, à toute réquisition. Une fois enflammés, ils n’ont plus d’autre soin. « Car c’est le propre d’un amour violent, de faire prendre en dédain toutes les choses de la vie qui n’ont pas rapport à cet amour même. » Au fond, il est le ferment de l’action en même temps que l’objet. C’est pourquoi on ne les voit guère s’engourdir dans les souffrances sentimentales. « Elles sont des situations anormales, dont l’esprit secoue le joug aussi vite qu’il lui est possible. » Parlons franc : ces héros ne sont point dupes. Stendhal s’en fut réjoui.

Les femmes mêmes, qu’un regard ou le timbre de la voix masculine bouleverse, et dont l’existence est absorbée par l’amour, ces faibles femmes, rêveuses et moites, s’accoutument à ces passions entières. Les plus douces et honnêtes, qui sont du peuple, qui consolent les rois (Isabel de Bavière, la Reine Margot) ou qui se dévouent pour leur reine (les Trois Mousquetaires, le Chevalier de Maison-Rouge) ne sont point de marbre. Les pires, comme Milady, s’abandonnent éperdument. Dumas n’a que sarcasmes pour les créatures insensibles ; et il ressent toute sa pitié pour ceux que l’amour a désertés ou meurtris. Notre R. P. Gorenflot, malgré sa voix de Stentor et sa compétence de gourmet, n’échappe pas à ce dédain ; et les malheurs conjugaux d’Athos éveillent cette sympathie. À la vérité, même chez les personnages