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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/172

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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

ment une jouissance. Elle élargit le moi imaginatif, le moi sensible, le moi vivant, le moi vaniteux, le moi conteur. Car la vanité est le ragoût du conte. En vain les pays changent, les spectacles se succèdent, les aventures se multiplient. Dumas voyage avec Dumas. Dumas se reflète sur l’univers et non l’univers sur Dumas. Et cela pourrait s’appeler Impressions produites par Dumas en voyage. Et c’est charmant ainsi. Ne cherchez pas ici les esquisses d’un peintre tel que Théophile Gautier, ni les notations d’art d’un Stendhal. Dumas vagabonde sous toutes les latitudes pour la plus grande gloire de Dumas. Il ne décrit guère, sauf les pays qu’il n’a point visités. Lorsque parut Quinze jours au Sinaï, il se réjouit d’apprendre que par la précision du détail et l’exactitude du récit il révélait l’Égypte aux Orientaux. Rappellerai-je qu’il ne fit point ce voyage en personne, et qu’il travailla sur des croquis et des notes ? C’est pourquoi, pour une fois, il s’est intéressé aux contrées plus qu’à lui-même. Dans cette caravane d’Arabes chapardeurs il n’est question que de « Monsieur Taylor ». Vainement on y cherche l’exubérant Monsieur Dumas.

À l’ordinaire, il brosse le décor en quelques lignes. Si un spectacle naturel le ravit ou l’étonne, il renonce à le rendre ; il se contente de citer un peintre : Goya, Murillo, Boullanger. Se décide-t-il à écrire son couplet, c’est le flonflon d’après Chateaubriand, mais cotonneux et insincère. Il a d’autres soins, qui sont pour nous réjouir. On exagérerait à peine en disant que la beauté d’un pays est proportionnée à l’admiration qu’y excitent ses livres. À cet