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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/174

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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

passions, surtout dans les démarches de l’amour, ou mieux de cette sympathie violente qui rapproche les sexes, alors il est si plein d’entrain, de gaîté, de verve que nous cédons à la tentation de poursuivre le voyage avec lui et de l’admirer à notre tour. Alors on ne quitte plus « l’amo » ; ses compagnons disparaissent. Il retrousse ses manches pour frire un poulet, rôtir un mouton sous la cendre ou préparer la fameuse salade sans huile ; il tire à la carabine mieux que Monte-Cristo lui-même : on hume les senteurs de l’office, on se penche pour suivre la balle. Il ne pose point ; il ne nous en impose point. Il se conte ; il nous en conte tout de même, tant son imagination est féconde, et tant de cette étonnante complexion émane le don de vie. Il nous enthousiasme pour la conquête du Mont-Blanc et de l’Algérie ; il nous tient suspendus à ses embuscades de brigands et ses légendes du Rhin ; il nous agite de mille frissons comme de petits enfants. Il n’analyse pas l’amour ; il en suit les manèges ou les effusions. Les études de types et de caractères sont rares, mais non pas celles de mœurs. Les étudiants de Heidelberg, les compagnies de discipline en Afrique, les cérémonies du mariage à Tanger, les manigances du sbire et du lazzarone, les tics du visage ou du vocabulaire, tout ce qui jette un jour sur les coutumes ou singularités d’une nation, il a tout noté. Celui qui le prendrait pour guide reviendrait vide d’impressions artistiques ; mais il se serait assez bien tiré d’affaire en tous pays.

Il aurait un peu partout exercé la verve satirique dont nul Français n’est démuni. M. de Salvandy