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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/68

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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

Ici un humaniste hausse les épaules, ouvre la main, étend les doigts et dit : « L’histoire ne s’abaisse point à ces péripéties de mélodrame. Dumas, qui la viole, n’a d’elle que des bâtards. Il la fourvoie en des imbroglios indignes. Mélodrame, vous dis-je, mélodrame ! » Il est vrai que mélodrame est une injure fort à la mode et un argument qui vaut « tarte à la crème ». Mais il est véritable aussi que Dumas, pour peindre l’individualisme qui s’évertue à travers les milieux et les époques, met en œuvre et perfectionne le mécanisme de Beaumarchais, et qu’il trouve dans les textes mêmes tout ce qu’il faut pour faire aller la machine. Jamais, si l’on l’en croit, « l’histoire ne le laisse dans l’embarras ». En effet, tout le drame Catilina est fondé sur la trahison d’un couple bien parisien : Curius et Fulvie. Or, ce couple a existé. Il ressuscite très véritablement : luxe, embarras de finances, manœuvres louches, tout est noté par Salluste ; amant faible, femme bourreau d’argent, l’un promettant monts et merveilles, l’autre n’ayant qu’araignées dans ses coffres. La trahison de Fulvie est confirmée par Plutarque. Renseignée par Curius, la coquine passe à l’ennemi contre beaux écus comptants. Il n’est pas jusqu’à ce souper, où Catalina, après avoir enflammé les courages par sa harangue, fît parmi les convives (Salluste enregistre ce propos sous réserve) circuler une coupe de sang humain, qui ne fournisse à Dumas un dénoûment terrible avec un tableau shakspearien. Il serait pourtant temps de reconnaître que les fictions du théâtre sont toujours au-dessous de la vérité, loin qu’elles l’exagèrent