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Page:Parigot - Alexandre Dumas père, 1902.djvu/88

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ALEXANDRE DUMAS PÈRE.

ment ouvert cette infatigable imagination au sens de la vérité ; Antony, avec ses chaleurs de tête, était si bien pris sur le vif de la réalité contemporaine ; la passion délirante des deux amants et la partie liée avec l’arbitre de la bourgeoisie, l’opinion, correspondait si exactement à cette fièvre d’action et de sensibilité qui enflammait les cerveaux les plus paisibles, qu’il semblait que l’âme de la génération nouvelle se répandît sur la scène. Il n’était que de puiser à cette inspiration première pour constituer le personnel fondamental du drame. Pas plus qu’il n’a refait Henri III, Dumas ne refera un autre Antony. L’imagination l’emporte à travers les péripéties et coups de théâtre nécessaires à ces turbulents héros. Il ne retrouvera plus la simplicité de ce premier coup. Mais le génie du théâtre le maintient sur les lisières de l’observation. Il imagine avec joie scènes et situations ; il dramatise à tour de bras ; il semble se jouer parmi l’épouvante et la pitié ; il sème le pathétique d’un geste vigoureux et allègre. Néanmoins ses drames, pour émouvants qu’ils soient, ont un caractère de vérité qu’il n’observe pas, si l’on veut, mais qu’il accroche d’instinct et par d’heureuses intuitions, grâce à cette double vue qui est le don des dramaturges prédestinés et qu’il ne faut plus méconnaître. Antony, loin d’être « le dernier acte d’une tragédie qui ne finit point », est le premier acte du drame moderne qui va se poursuivre.

La femme conquise, l’individualisme donne l’assaut au pouvoir — et c’est Richard Darlington ; il en veut au génie — et c’est Kean ; enfin, il vise la fortune et attelle le sexe faible à son ambition — et c’est