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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/100

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

au théâtre que le reflet ou le décor. L’Allemagne crut posséder un autre Shakespeare. Il s’en manquait. Dumas, qui n’est ni Shakespeare ni Gœthe, lit Gœtz de Berlichingen, et son instinct dramatique le mène droit aux scènes retouchées. On en trouvera le commentaire fait par un homme doué au tome VIII de Mes mémoires. Si quelque délicat observe avec dédain que de l’œuvre de Gœthe ce fragment est le plus banal, que commune est l’aventure de cette femme, qui emploie l’homme qu’elle n’aime point et dont elle est aimée à frapper celui qu’elle aime ou qui la rebute ou qui la gêne, j’en suis d’avis : rien n’est plus banal que le cœur humain, — « le cœur humain de qui, le cœur humain de quoi ? » — celui de la Camargo, de Bérengère, celui d’Hermione, de Phèdre, le cœur humain qui est le fonds très banal et très commun du théâtre de Racine, et qui est le théâtre même. « Trois ou quatre scènes sont noyées dans ce drame gigantesque, dit Dumas, qui m’avaient paru suffire à un drame[1]. » Aussi bien, il saura leur prêter vie, parce que, poète mineur auprès de Gœthe, il est en revanche un dramatiste d’une autre encolure.

Il y avait aussi un drame historique dans Egmont. Deux hommes sont en présence, Egmont et le duc d’Albe. Que dis-je ? Le duc parait au quatrième acte et sa politique s’exhale en monologues interminables. C’est faire longtemps attendre à la fois l’histoire et le drame. Quant au comte, il faiblit avant le dénoûment. Pour faire une belle fin, il se parle à lui-même, sans concision. Il hésite et se trouble, aux approches de la mort : il ne lui faut rien moins, pour le décider, qu’une apparition de féerie ou d’opéra. Dirai-je que les narrations le disputent aux monologues, et juste au point le plus

  1. Mes mémoires, t. VIII, ch. ccvii, p. 195.