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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/101

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INFLUENCES ALLEMANDES.

vif de la crise ? À tous les instants de la pièce les personnages sont sujets à l’exaltation poétique ; ils font relâche pour philosopher. Leur logique n’a pas la qualité de leur lyrisme : la contradiction ne les effraie point. Egmont, le brave, l’unique Egmont, qui s’était posé comme homme de tête et de courage, s’échappe en rêveries. Je ne saurais affirmer qu’il eût peur de l’échafaud ; à coup sûr, il est songeur ; il est épris de liberté ; mais enfin, il n’agit point. Y a-t-il même une action dans cette œuvre ? Je distingue trois motifs dramatiques, qui se développent simultanément, et partagent les actes en trois parties presque égales : Egmont, le peuple, et la jeune fille. C’est toujours le procédé de Gœtz de Berlichingen : et c’est toute la liberté shakespearienne prise à rebours. On dirait d’un jeu de patience, où les morceaux de rapport s’ajustent pour former un acte, les actes pour faire une pièce. La pièce se fait et se termine comme elle peut.

Egmont, commencé en 1775, resta douze ans en portefeuille ; Gœthe essaya de s’y remettre deux fois, la première dans les derniers mois de l’année 1778, la seconde au printemps de 1782. Il le termine à Rome, après l’avoir plusieurs fois remanié, le 5 septembre 1787. « En le commençant il s’inspirait encore de Shakespeare, en le finissant il s’inspire des Grecs [1]. » Je cherche l’instant précis où il s’inspire de l’intérêt et de la composition dramatiques.

Il en méconnaît les plus élémentaires exigences. Molière, pour faire passer une scène scabreuse, cache ostensiblement Orgon sous la table. Gœthe ne s’avise même pas de la difficulté. Je n’ai pas à m’expliquer sur la moralité ni la volonté de Gœthe[2]. Qu’il ait mis

  1. Mézières, op. cit., ch. vii, p. 346.
  2. Voir la Préface de la traduction de Faust de M. Bacharach, par Alexandre Dumas fils. Imprimerie Claye, 1874.