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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/102

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

les aventures de son cœur ou les aubaines de son égoïsme sur la scène, qu’importe, si la peinture plaît ? Qu’il ait beaucoup aimé, ou qu’il se soit laissé beaucoup aimer, Faublas ou Racine, l’essentiel en cette affaire est qu’il a tracé dans Egmont le portrait d’une jeune ouvrière aussi vraie que poétique, à la fois observée et rêvée. Claire est douce, aimante, héroïque, adorable sans prétention et sans fadeur. Elle est femme, lorsqu’elle harangue le peuple pour sauver Egmont. Mais le peuple de Gœthe discourt et ne grouille point. Elle est belle devant cette foule bavarde et inerte. Mais si Goethe avait eu le génie dramatique, eût-il fourvoyé cette créature admirable en des scènes impossibles ? — Claire est chez sa mère, en compagnie d’un brave garçon soumis à tous ses caprices, et qui languit. De la rue monte un bruit de troupes[1]. Claire envoie Brackenbourg pour savoir ce qui se passe. Et la mère et la fille s’entretiennent ensemble… « Tu aurais été toujours heureuse avec lui. — Je serais pourvue et j’aurais une vie tranquille. — Et tout cela est perdu par ta faute… » Ainsi, la mère sait la faute de sa fille ; elle en parle sans illusion ; elle reçoit Egmont. Où sommes-nous ? « Et quel sera l’avenir ? — Ah ! je demande seulement s’il m’aime ; et, s’il m’aime, est-ce une question ? — On n’a que du chagrin avec ses enfants… Cela ne finira pas bien. Tu as fait ton malheur. Tu as fait le mien. — Cependant, vous avez laissé faire au commencement[2]. » — Évidemment, nous y sommes… Cette jeunesse n’est plus une Agnès. Mais quelle mère est-ce là ? J’entends bien qu’elle est trop bonne ; mais j’entends aussi qu’elle appelle Claire « fille perdue », et que, nonobstant, elle tombe d’accord

  1. Théâtre de Goethe. Trad. Jacques Porchat. Hachette, 1882, t. II, Egmont, I, p. 287.
  2. Egmont, I, p. 289.