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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/135

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LE DRAME NATIONAL ET « HENRI III ».

ment et avec âme[1] » ; ainsi parle Moor revoyant son père. Et il est au-dessus des préjugés, lui aussi. « … Va, tu préférerais bientôt les charmes d’une vie libre et indépendante aux prétendus avantages que les préjugés semblent te promettre dans la société [2]. » Je me souviens à peine qu’il a sur la conscience la mort de sa femme, Adèle, qu’il avait enlevée à ses parents. N’avait-elle pas prétendu soustraire leur enfant à la gloire de la profession paternelle ? Un homme qui est parvenu à la situation de Roger dans la forêt de Kingratz, ne peut mourir sans héritier. La troupe des Indépendants est un État dans l’État. Ce sont d’honnêtes bandits, qui vivent heureux et doux sous l’œil du chef. Avec l’âge, ils feront de bons fonctionnaires d’Empire. « Brigands !… Et qui t’a dit que mes camarades méritassent de porter ce nom ? Je ne te cacherai pas que plusieurs d’entre eux avaient eu une jeunesse fougueuse, et que, moi-même, poussé avec ardeur vers le vice, qui me semblait plus attrapant que la vertu, j’avais bien quelques torts à me reprocher. Quoi qu’il en soit, ces hommes ardents, audacieux, m’ont choisi pour leur chef, pour leur premier ami[3]. » Aussi bien, c’est un phalanstère de Figaros sur le retour, plutôt que de bandits. Et voici les hautes vues moralisantes : « Dès ce moment, j’ai formé le projet de les rendre meilleurs, de les soumettre à des statuts, à des convenances sociales[4] ». Le Figaro bourgeois apparaît : quand deux Français sont réunis, ils se constituent en société avec un président et des statuts ; à trois, commencent les convenances sociales.

Pixérécourt imite, mais il adoucit, tempère, il met la

  1. Victor, III, sc. vi, p. 43.
  2. Ibid., p. 45.
  3. Ibid., p. 46.
  4. Ibid., p. 46.