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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/147

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LE DRAME NATIONAL ET « HENRI III ».

tilignes. Le drame sera historique et social, mais surtout populaire. Là-dessus l’inspiration de Victor Hugo s’échauffe. Et apparaît cette faculté proprement théâtrale d’agrandissement qu’il déploie en ses manifestes. Pour justifier le mélange du rire et des larmes, du comique et du tragique (disons mieux : du grotesque et du sublime, il édifie une théorie de l’histoire du monde, pas davantage. Alfred de Musset, l’un des premiers, en a finement relevé les contresens et les contradictions[1]. La théorie n’est qu’une vision énorme, et d’un instant. Qu’est donc le drame, le drame soutenu, dès avant sa naissance, de cette métaphysique ? On en trouvera de copieuses et vastes définitions dans la préface de Cromwell[2] et plus tard dans celle d’Angelo. Là resplendit l’imagination féerique de Hugo. Les cadres de la pensée humaine craquent ; les catégories de nos concepts éclatent. Le poète s’enivre de ses intuitions. Le drame qu’il voit, c’est l’histoire, la nature, la vérité des mœurs et des caractères, l’individu complet et triomphant, c’est déjà presque « tout regardé à la fois sous toutes les faces[3] ». — « Le théâtre est un point d’optique. Tout ce qui existe dans le monde, dans l’histoire, dans la vie, dans l’homme, tout doit et peut s’y réfléchir, mais sous la baguette magique de l’art[4]… » Couleur locale, lyrisme, élégie, épopée, le drame est tout et tout est dans le drame. S’il tient le vers pour nécessaire à la pièce nationale, sociale et humanitaire, qu’il entrevoit dans le tourbillon des mots, ce n’est pas tant pour échapper au commun ni au mélodrame que pour contenter de prime abord sur le

  1. Première lettre de Dupuis et Cotonet, p. 195. Contresens à propos des Eumenides et sqq.
  2. Préface de Cromwell, pp. 8 sqq.
  3. Préface de Marie Tudor. p. 131.
  4. Préface de Cromwell, p. 47.