Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

frénétique en tout, et aussi dans l’absurde. Il fait des orgies, comme Kean, mais des orgies fantasmagoriques. Don Juan de Marana en est la plus folle et, au surplus, la moins originale, celle qui lui a coûté le moins d’effort personnel. Byron, Calderon, Shakespeare, Molière, Gœthe, Hoffmann, Musset, Mérimée s’y coudoient comme en une féerie de la Salpêtrière. Le Vampire n’en est pas la moins trouble, le Vampire écrit en société avec Maquet (un professeur d’histoire, à qui Dieu pardonne !), le Vampire, pièce métaphysique et inquiétante, où, parmi les apparitions de fées, de lutins empruntés de Shakespeare et les rêveries de Faust, à côté des dialogues cornéliens du vampire et de la goule, et cependant que lord Ruthwen prend son vol du haut d’un rocher sourcilleux[1], — les hallucinations s’espacent par tirades philosophiques et la banalité se répand en réflexions sur le microscope[2]. Ce sont les fragments disparates d’un décor de haute fantaisie : c’est le désordre, sans le génie. Que ce dévergondage, qui est comme la rançon de cette singulière faculté de vision et d’invention dramatiques, Dumas ne l’ait pas tenu pour le meilleur de son talent et le noble de son ouvrage, je ne dis pas cela : il y défie Byron[3].

  1. Le Vampire (Th., XVIII), II, tabl. iii, scène unique, p. 200.
  2. Le Vampire, I tabl. ii, sc. ii, p. 178.
  3. Cf. Mes mémoires, t. III, ch. lxxiv, pp. 148 sqq. On y verra comment Dumas assistait à une représentation d’un quelconque Vampire, à la Porte-Saint-Martin. Dorval était de la pièce, et Ch. Nodier du parterre : il les voyait l’un et l’autre pour la première fois. Cela se passait en 1825. Et il nous dit : « D’ailleurs, si informe que cela fût, c’était un essai de romantisme, c’est-à-dire quelque chose de fort inconnu à cette époque. Cette intervention d’êtres immatériels et supérieurs dans la destinée humaine avait un côté fantastique qui plaisait à mon imagination, et peut-être est-ce cette soirée qui déposa dans mon esprit le germe de Don Juan de Marana, éclos onze ans après seulement. » — Or, qu’était ce Vampire ? Il suffit d’en lire (Ibid., lxxv, pp. 161 sqq.)