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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/186

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LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

vement, qui emporte en une gradation continue, à la fois impétueuse et habile, situations, péripéties, émotions, et aussi le spectateur entraîné dans le flot de toutes ces choses, et qui étouffe sans défense. Et il est homme d’action, à qui tableaux, images, métaphores ne sauraient suffire. Il en veut à la ligne droite ; il se réjouit des coups de main, des coups de surprise, des coups de force, des coups de théâtre. Enfin il a la passion à commandement, vigoureuse, tempétueuse, sensuelle et sensible, qui est ensemble un instinct et une volonté déchaînés. Oh ! qu’il est populaire sur ce point ! Et qu’il est le drame même ! Cette passion qu’il manie avec allégresse, à tour de bras, ne lui est pas tant un objet de connaissance ou d’analyse qu’un instrument scénique, un engin délicat et brutal, précis et explosible, et qui tue l’ouvrier timide ou maladroit. Il met à s’en servir toute sa force, qui est rare, et toute son habileté, laquelle est hors de pair. De là vient que pour Dumas comme pour son fils, le drame est tout entier dans la mise en œuvre. Prépondérante leur a toujours semblé la part de l’exécution et du métier.

Ce terrible improvisateur de romans ne commence à écrire ses pièces que lorsqu’elles sont entièrement composées et agencées en son esprit. Le travail d’incubation se fait en lui comme une création latente et spontanée. Il laisse mûrir l’idée. Et l’idée mûre se détache, organisée[1]. Quand il écrit, c’est une lièvre de quelques jours ou de quelques heures selon l’importance de la pièce. Le manuscrit original d’Antony est à peu près indemne de ratures, et Romulus fut écrit pendant une partie dechasse[2]. « Je ne fais pas de pièces,

  1. C’était la méthode de Casimir Delavigne et d’Émile Augier. Voir notre Émile Augier, ch. ii, p. 29.
  2. Souvenirs dramatiques, t. I, p. 289.