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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/191

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L’ŒUVRE DRAMATIQUE.

quatre actes trois quarts, dont elle est condition première et partie intégrante. Il eût apporté l’idée de l’amant, assassin de sa maîtresse : idée banale ou pathétique, selon le tour qu’elle prendra sur le théâtre. Peut-être eût-il arrêté les chevaux emportés, et arraché l’appareil de la blessure ; mais pour brusquer le troisième acte il y fallait déjà l’instinct du raccourci scénique ; pour construire le second et le quatrième, oh ! qu’il y fallait autre chose qu’assurément le jeune homme, faute de génie, n’avait point. Les idées courent les rues, et les jeunes hommes aussi. Et il leur arrive de se joindre. Mais dans l’art dramatique, il ne suffit pas de la rencontre d’un jeune homme et d’une idée pour faire œuvre viable. « Tout dépend de l’exécution[1]  », — affirmait Dumas fils dans une conviction dernière.

Gaillardet descend de la diligence de Tonnerre avec un manuscrit de la Tour de Nesle, qu’il remet à Harel, directeur de l’Odéon. Il y a quelque chose là dedans, mais pas de pièce. Il y a l’idée, dites-vous ? — Elle est aussi bien de Fourcade, qui l’avait déjà proposée à Dumas ; elle est, tout au moins, commune à Gaillardet et à Roger de Beauvoir, qui publie, un mois avant la Tour de Nesle, l’Écolier de Cluny. Elle est banale et dans le champ public[2]. Harel confie le manuscrit à J. Janin pour qu’il mette la « chose » d’aplomb. J. Janin se prend à l’idée de Gaillardet, qui était aussi celle de Roger de Beauvoir, écrit une tirade à la façon de J. Janin, et renonce à mener l’œuvre à terme[3]. Il rend

  1. Préface du Théâtre des autres p. xi.
  2. Voir plus bas pour l’indication des pièces de l’affaire, p. 253, n 2.
  3. Mes mémoires, t. IX, ch. ccxxiv, p. 160. « Cependant une tirade entière, la plus brillante peut-être de tout le drame, appartenait à Janin : c’était celle des grandes dames. »