Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
LE DRAME D’ALEXANDRE DUMAS.

plus petit a son importance, parce que le plus petit prend sa part dans ce grand tout qu’on appelle la vie[1] ». Cela encore est le rêve d’une société neuve qui s’élance, en pensée, éperdument, à la conquête de l’avenir : philosophie démocratique du vaudeville ou du drame, selon le tour des événements[2]. Action, passion, hasard, et par suite

Aujourd’hui dans le tronc et demain dans la boue[3],


c’est la fable dramatique d’Antony et de Buridan.

Mise sur la scène, cette conception se concilie malaisément avec la science historique. Remarquez que Dumas ne recommencera jamais Henri III et sa Cour, et ne se risquera plus à serrer l’histoire d’aussi près. Il aboutit très vite au drame qu’il dénomme plaisamment « extra-historique[4] », et qui n’emprunte du passé que la couleur et des noms. Catherine Howard est à l’histoire ce que Monte-Cristo est à la réalité. L’un et l’autre furent chers au peuple, étant inventés d’abondance pour lui. Tantôt, dans la fièvre de l’ouvrage, Dumas se contentera de multiplier les tableaux et de les relier par le fil ou la ficelle souterraine de l’intrigue, et il exécutera la Jeunesse des Mousquetaires, galerie panoramique et drame-roman. Tantôt il s’attachera davantage à l’intérêt passionnel, et il écrira la Reine Margot ou la Dame de Montsoreau, drames historiques par à peu près, mais populaires excellemment. Une fois, il lui arrive de si adroitement ajuster aux noms, costumes, mœurs, tableaux du passé l’âme de la foule, qu’il crée le type définitif du drame de cape

  1. Mes mémoires, t. II, ch. lviii, p. 294.
  2. Voir notre Théâtre d’hier. Introduction, § ii. Scribe et le vaudeville, p. xv.
  3. Polyeucte, IV, sc. iii.
  4. Avertissement de Catherine Howard, p. 207.