Aller au contenu

Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
L’ŒUVRE DRAMATIQUE.

les rêves éteints. L’individualisme exaspéré commence à porter ses fruits. Il n’y aura bientôt plus d’égalité que dans le texte aride de la loi, terme logique, et non plus fatal, où échouent ces grandes passions hautaines et vaines d’il y a vingt ans. Alors, Dumas écrit le Comte Hermann, à la veille de ces changements ; au lendemain d’un ébranlement plus décisif encore, son fils écrira la Femme de Claude comme par une inspiration héréditaire. Jusqu’en 1869, — je ne parle ici que des œuvres où il dépose sa foi d’artiste, — le vieux Dumas se prend de plus en plus au drame moderne, se guide sur les idées ambiantes, toujours imaginatif, toujours populaire, mais non plus tout à fait comme autrefois. Il resserre vigoureusement l’intrigue dans le Marbrier ; il adapte de l’allemand la Conscience, drame de famille et de mœurs bourgeoises ; avec Madame de Chamblay il entre dans le vif des mœurs nouvelles, et il semble que l’on s’achemine vers le théâtre à la fois réaliste et fantaisiste de l’Étrangère.

Qu’il subisse, tout à la fin, l’influence de son fils, cela n’est pas douteux ; qu’il exerce sur lui une action considérable, nous aurons à l’établir. Partir d’Henri III et sa Cour pour aboutir à Madame de Chamblay, quelle carrière pour un dramatiste, dont le drame fut toujours le génie, la popularité, et la véritable destinée ! Ainsi s’explique sa déconcertante fécondité du début ; ainsi l’on arrive à une appréciation plus juste de ses œuvres de l’âge mûr et de la vieillesse. Et l’unité de l’ensemble apparaît, éclatante, dans Antony.