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Page:Parigot - Le Drame d’Alexandre Dumas, 1899.djvu/203

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DRAMES TRAGIQUES.

est fait de l’œuvre de Shakespeare en ce théâtre est beaucoup trop mesuré pour lui plaire ; et le discours, qui y tient tant de place, est en dehors de ses facultés et de ses moyens. Son maître tragique s’appelle Corneille, quand celui-ci, en quête de nouveauté, penche vers le mélodrame. Mais c’est un maître pour l’honneur. Dumas est plus moderne, en son fond de nature. Le drame tragique, tel qu’il l’a conçu, est un genre hybride et faux. Trilogie ou tragédie, Christine ou Charles VII ou Caligula, le contresens inhérent à cette conception n’en saurait être éliminé. « On peut imprimer sur l’affiche, disait Alfred de Musset, que c’est une tragédie ; mais pour le faire croire, c’est autre chose…[1] »

Au théâtre comme dans tous les arts, le choix de la forme entraîne tout le reste. Dumas, faisant une pièce en vers, se mettait nécessairement sous la tutelle de la tragédie. Quand il écrira Charles VII, après Antony, il semblera qu’il travaille sous les bustes de Corneille et de Racine encore à demi cornélien, tant il les imite de près ou s’efforce à les imiter. Cette Christine même, trilogie dramatique en cinq actes, avec prologue et épilogue, fut d’abord toute classique en sa composition première, « classique à la manière de Legouvé, de Chénier et de Luce de Lancival[2] ». Dumas au moins en fait foi. Les événements se déroulaient à Fontai-


    intransigeant. Il fait dire à Napoléon (Napoléon Bonaparte, III, tabl. V, sc. ii, p. 54) : « Voyez-vous, tout le théâtre de Voltaire est un système, dont 93 est la dernière pièce ». Cf. Madame de Staël, De l’Allemagne, t. II, ch. xv, pp. 7, 10, 15, où l’éloge, malgré le retour actuel de sympathie pour le théâtre de Voltaire, nous paraît tout de même excessif.

  1. A. de Musset, Mélange de litt. et de crit., p. 321. (Bibl. Charpentier, 1894.)
  2. Souvenirs dramatiques, t. I. Mon odyssée à la Comédie-Française, § ii, p. 189.